Retour sur la conférence : « L’Asie du Sud à la veille des élections indiennes de 2024 »
L’événement a eu lieu le 30 novembre 2023
Le 30 novembre dernier, le Centre d’études et de recherches sur l’Inde, l’Asie du Sud et sa diaspora (CERIAS) et l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM) ont convié la communauté uqamienne et le grand public à une importante conférence portant sur l’Asie du Sud et les élections indiennes de 2024. Une cinquantaine de personnes ont assisté à l’événement, qui était présenté à la salle des Boiseries de l’UQAM ainsi qu’en ligne.
Organisé dans le contexte des récentes tensions diplomatiques entre l’Inde et le Canada, le panel était modéré par le journaliste indépendant et écrivain Frédérick Lavoie. Après un mot de bienvenue prononcé par le directeur de l’IEIM, François Audet, une allocution d’ouverture a été prononcée par Daniel Lacroix, représentant du ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec (MIRIF). Soulignons aussi la présence très appréciée du directeur du Bureau du Québec à Mumbai, Francis Paradis.
Les cinq panélistes – Mathieu Boisvert, Catherine Larouche, Natasha Fernando, Catherine Viens et Gilles Vernier – ont tour à tour présenté différents enjeux qui transforment aujourd’hui l’Asie du Sud.
D’abord, le professeur de l’UQAM Mathieu Boisvert, directeur du CERIAS, a présenté le système électoral indien, en dressant un bref historique des forces au pouvoir depuis l’indépendance du pays. Selon lui, depuis 2014 on assiste à un changement de paradigme en Inde, avec l’arrivée au pouvoir du BJP, réitéré lors des élections de 2019. Il a notamment indiqué que la moyenne d’âge en Inde est très basse. « Les jeunes doivent rêver et le BJP offre du rêve et des perspectives de futur », a-t-il notamment mentionné.
« (Diverses stratégies) qui, quand elles sont articulées ensemble, ont comme objectif très clair d’expulser ou de retirer la citoyenneté indienne aux musulmans. Pour la grande majorité des hindous, c’est une Inde qui s’affirme enfin. »
– Mathieu Boisvert, directeur du CERIAS
Catherine Larouche, professeure au Département d’anthropologie à l’Université Laval, a pour sa part partagé ses recherches sur la montée de l’ostracisation de la population musulmane en Inde ainsi que les stratégies, tactiques et mouvements de résistance de celle-ci.
« La position qui est occupée par les musulmans dans le pays et leur rapport à la majorité hindoue a beaucoup varié avec les époques. […] Mais pour plusieurs raisons historiques et politiques, dont la montée du nationalisme hindou, les musulmans forment désormais une population marginalisée en Inde et qui est donc de plus en plus confrontée à différentes formes de discrimination.»
– Catherine Larouche, professeure au Département d’anthropologie à l’Université Laval
La candidate au doctorat en sciences des religions à l’UQAM Natasha Fernando s’est exprimée sur la démocratie et la violence politique en Inde, au Pakistan, au Bangladesh et au Sri Lanka.
« L’Inde est considérée comme la plus grande démocratie au monde. […] Mais cela ne signifie pas que le gouvernement est purement démocratique, car il peut gouverner de manière autocratique en abusant de pouvoirs qui lui ont été conférés. »
– Natasha Fernando, candidate au doctorat en sciences des religions à l’UQAM
Catherine Viens, chercheuse postdoctorale à l’Institute of Development Studies, University of Sussex, a ensuite présenté les répercussions des élections indiennes sur la scène internationale, notamment les tendances géopolitiques à surveiller en cas de réélection de BJP en 2024.
« Deux points à surveiller : au niveau de la diaspora, il ne faut pas sous-estimer la transposition des conflits internes qu’il y a en Inde à l’extérieur de ses frontières. […]; il ne faut pas sous-estimer non plus les stratégies diplomatiques du gouvernement Modi […]. »
– Catherine Viens, chercheuse postdoctorale à l’Institute of Development Studies, University of Sussex
Enfin, Gilles Vernier, professeur de science politique, Amherst College (MA., USA) et au Center for Policy Research (New Delhi), a explicité l’influence du BJP sur la structure du pouvoir en Inde.
« Les dix années au pouvoir du BJP n’ont pas simplement mené à des changements d’orientation de politiques publiques, mais à une transformation du système politique indien lui-même, marqué par trois formes de changements majeurs : premièrement, la concentration et la personnalisation du pouvoir au niveau fédéral; deuxièmement, la transformation de ce qu’on peut appeler l’infrastructure et l’action publique […]; finalement, la montée de la violence contre la minorité musulmane et les pressions contre la société civile, non seulement une intensification de la violence, mais (également) une reconfiguration de la violence politique. »
– Gilles Vernier, professeur de science politique, Amherst College (MA., USA) et au Center for Policy Research (New Delhi)
Caroline Doyon, directrice adjointe de l’IEIM, a prononcé le mot de fin.