Le grand désengagement envers la Chine : mythe ou réalité ?

Date limite : 1er novembre 2023

Mise en perspective

Au cours des dernières décennies, grâce à une main-d’œuvre abondante, des coûts de production très faible, son attrait comme lieu d’investissement étranger, son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 ainsi que des politiques industrielles et commerciales néo-mercantilistes, la Chine a su s’imposer comme première puissance industrielle. En 2019, elle fournissait 28,7 % de la production manufacturière mondiale, loin devant les États-Unis (16,8 %) et le Japon (7,5 %) (Statistica 2021). Mais, la centralité de la Chine dans les chaînes de valeurs mondiales ne l’a pas fait adopter des valeurs démocratiques libérales comme le proposait naïvement l’approche libérale durant les années 1990 et 2000. La prospérité chinoise s’accompagne plutôt de velléités de puissance et de démonstrations de force. D’une part, la Chine multiplie les conflits territoriaux, notamment avec Taïwan, en mer de Chine méridionale, en mer de Chine orientale et dans l’Himalaya, et cela, c’est sans compter un appui tacite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. D’autre part, elle recourt à une diplomatie musclée favorisant de plus en plus souvent les sanctions économiques, les invectives, voire les prises d’otages. Elle multiplie parallèlement de grandes initiatives telles que les Nouvelles Routes de la soie, le Consensus de Beijing (Ramos 2004), l’Initiative de Chiang Mai ou encore la ratification du Partenariat Régional Économique Global (PREG), un accord de libre-échange aux règles souples et modulables (Park, Petri et Plummer 2021). La Chine a ainsi entrepris de créer un ordre international « parallèle » aux règles occidentales au service de ses aspirations de puissance remettant en question directement l’ordre libéral occidental issu de la Seconde Guerre mondiale (Stuenkel 2016; Boyle 2016).

En 2011, lors du lancement de sa politique du Pivot asiatique, le président Obama annonçait clairement la volonté américaine de brider le challenger chinois et de remettre l’Asie au cœur de la politique étrangère des États-Unis (Clinton 2011; Campbell 2016). Le Partenariat transpacifique (PTP) en particulier visait à « écrire les règles commerciales avant que la Chine ne le fasse » (Seib 2015). À l’endiguement commercial, le président Trump préfèrera la confrontation directe : sa doctrine « America First » associant le désengagement envers la Chine et la réindustrialisation des États-Unis à sa sécurité, la Chine étant perçue avec le Mexique comme la principale responsable de la désindustrialisation des États-Unis (Arès, Boulanger et Mottet dir. 2021). La présidence Biden a renchéri en fortifiant, à la demande du Japon, le Dialogue de sécurité quadrilatéral (QUAD), qui regroupe l’Australie, les États-Unis, l’Inde et le Japon (The Conversation 2021) et lancé en mai dernier le Indo-Pacific Economic Framework, une initiative d’envergure (14 États) fortement décriée par la Chine comme l’illustration même d’une politique « divisible » de désengagement (Ng 2022). La pandémie n’a fait qu’alimenter le discours d’un désengagement envers la Chine aux États-Unis voire ailleurs dans le monde et démontrer la très grande vulnérabilité envers les chaînes de valeurs chinoises.

Dans une économie mondialisée où les chaînes de valeurs assurent environ 70 % du commerce total des biens (OECD 2021), les relations entre des pays développés et la Chine constituent un cas d’exemple d’une situation d’interdépendance complexe, telle que la définissent Keohane et Nye (2011). C’est-à-dire qu’au-delà des tensions politiques et stratégiques que des États ont avec la Chine, ils se trouvent imbriqués, notamment via l’investissement direct étranger, les flux commerciaux et les chaînes de valeurs, dans une intense relation commerciale qui assure une part significative de leur prospérité. L’observation vaut également pour la Chine. Les États se retrouvent donc dans la situation paradoxale d’expérimenter de vives tensions politiques et connaître une intégration économique poussée.

Pour certains auteurs, il existe un risque de tomber dans le « piège de Thucydide », c’est-à-dire que les tensions entre grandes puissances aux aspirations hégémoniques culminent dans une confrontation militaire (Allison 2019; Shambaugh 2013; Nathan 2016; Achary 2018). D’autres pensent plutôt que les tensions peuvent être atténuées par une diplomatie pragmatique, alliant sanctions, intérêts communs et désengagement plus ou moins partiel envers la Chine (voir Chantal 2020; Haas 2021; Yoder 2020; Etzioni 2017). Ainsi, les appels pour un désengagement envers la Chine se font de plus en plus entendre : les États-Unis, l’Inde, des États européens et le Japon en particulier étant les plus véhéments. Étant donné l’interdépendance économique, la « démondialisation » n’est guère plausible (Farrel et Newman 2020), les chaînes de valeurs et les emplois qui en découlent agissant tel un puissant frein (Black et Morisson 2021). La position la plus défendue est celle d’un désengagement partiel (Friedberg et Boustany 2020), du rapatriement de la production sur le territoire national, notamment des secteurs jugés stratégiques (santé, technologie avancée, intrants essentiels, etc.), de la diversification des sources d’approvisionnement hors Chine et de la création de chaînes de valeurs en circuit court de manière à enrayer le dynamisme de l’économie chinoise, à rééquilibrer les rapports de force et de diminuer le niveau de dépendance (Pollack et Bader 2019). Cette position est très souvent enrobée dans un discours populiste antichinois à des fins électoralistes, comme en témoigne l’ensemble du mandat de l’administration Trump.

Ce projet vise à valider et à documenter si le désengagement envers la Chine se matérialise. Si cela se confirme, quelles en sont les causes et les modalités de mise en œuvre nationales. Quatre sous-questions nous préoccupent particulièrement :

  1. Est-ce que les États-Unis font cavalier seul ou voit-on un mouvement généralisé en faveur d’une politique de désengagement ?

  2. Quelles sont les contre-mesures et initiatives de la Chine pour contrecarrer le désengagement ?

  3. Est-ce que les firmes établies en Chine emboitent le pas et quittent ? De manière généralisée ou sectorielle ? Et, assistons-nous à un rapatriement de la production des firmes établies en Chine vers leur pays d’origine ou à une relocalisation ailleurs de leurs activités ? et enfin;

  4. D’une manière plus générale, quels seront les impacts de ce désengagement sur la gouvernance globale et la sécurité collective ?

Proposition d’article (1 page) : 1er novembre 2023

Retour sur les propositions : 1er décembre 2023

Article complet : 1er février 2024

Évaluation en double aveugle : 1er février au 15 mars 2024

Retour aux auteurs/autrices

Retour des manuscrits finaux à la revue : 1er mai 2024

Sortie du numéro : Été/ automne 2024

Comité de rédaction

Mathieu Arès, Université de Sherbrooke

Éric Boulanger, CEIM-UQAM.

Serge Granger, Université de Sherbrooke


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