Tendances de la coopération en Amérique latine : Des inquiétudes traditionnelles face aux besoins d’innovation

Chroniques de l'Observatoire sur la coopération internationale, 2 avril 2014, Angel Saldomando

Tendances de la coopération en Amérique latine : Des inquiétudes traditionnelles face aux besoins d’innovation Angel SALDOMANDO Chercheur, CINCO – Centro de Investigación de la Comunicación, Nicaragua Avril 2014 L’Amérique latine s’inscrit dans une tendance descendante dans les flux de l’aide officielle au développement (AOD). Elle représentait 0,5 % du revenu brut régional dans les années 1990 diminuant à 0,2 % en 2008. À l’échelle mondiale, l’Amérique latine représente actuellement 8,5 % de l’AOD. Entre 2010 et 2012, l’AOD a diminué de 20 %, les prévisions augurent cependant une amélioration modérée entre 2014 et 2016. Faut-il s’inquiéter de cette tendance ou bien s’inscrit-elle dans un nouveau contexte porteur des innovations? La Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL) dans son rapport sur l’AOD s’inquiétait depuis 2010 de la tendance à la baisse de la coopération internationale. Les raisons étaient attribuées dans le court terme à la crise financière internationale et aux opérations de sauvetage financiers de banques qui faisaient fondre les finances publiques des principaux pays bailleurs de fonds. Sur le moyen terme, la priorité donnée aux pays à bas revenus pénalisait la région, classée dans son ensemble comme étant au dessus du revenu moyen, et avait pour effet de concentrer l’AOD, malgré les différences et les besoins à l’intérieur des pays, dans les pays plus pauvres ou endettés (Haïti, Bolivie, Nicaragua, Honduras par exemple). Le rapport explorait de nouvelles sources financières pour nourrir la coopération concluant que l’AOD était essentielle et que les autres apports étaient seulement complémentaires. Cependant, il faut nuancer cette vision et la situer dans un contexte plus complexe. Bien que pour quelques pays la coopération internationale représente un apport de financement important, dans son ensemble la région n’a jamais était dépendante de cette source de financement. L’investissement externe direct, les prêts multilatéraux et l’endettement externe ont été les formes traditionnelles de financement. Par le passé, ceci a signifié un endettement très couteux que bien évidemment l’AOD n’a jamais compensé, la région étant plutôt exportatrice de devises perdant ainsi de précieuses ressources pendant les trois dernières décennies du XXe siècle. Car sur la question de fond, soit celle d’obtenir du financement à moindre coût pour le développement, le poids de l’AOD a été plutôt marginale. C’est l’enjeu du financement du développement qui est la véritable question et c’est dans ce cadre que la tendance sur l’aide prend son sens. Cette problématique semble d’ailleurs être à l’avant-scène depuis que la région a eu tendance à se distancier du néolibéralisme depuis2005 et à favoriser de nouveaux processus d’intégration et de développement. Les sources de financement sont orientées vers des réformes fiscales et la reprise en main des finances publiques et des matières premières. Par ailleurs, le cycle de prix des matières premières a donné une marge de manœuvre aux économies de la région auxquelles s’ajoute l’arrivée de la Chine. La présence financière de ce pays se ramifie dans plusieurs directions : prise de participation du capital de la Banque interaméricaine de développement, achat des matières premières incluant achats anticipés des productions, équivalant à un crédit, et prêts qui fournissent des liquidités à la région. De ce fait, les stratégies de financement du développement articulent maintenant des moyens traditionnels de financement externe et l’AOD avec une tentative de mise en place d’un nouveau système financier à caractère régional. La Banque du Sud et la Banque de l’ALBA sont, chacune à leur manière, des nouveaux schémas d’intégration et de financement qui doivent encore faire leurs preuves. Peut-on imaginer de nouveaux schémas de coopération dans ce cadre ? C’est à ce titre que l’on parle de coopération Sud-Sud et de coopération triangulaire. Cependant, la nature de cette coopération, sa manière d’opérer et le schéma de financement sur lequel elle repose, sont encore dépendants d’une vision traditionnelle. Par exemple, PetroCaribe qui dégage un fond de coopération pour les pays membres de l’ALBA sur la base de l’exportation pétrolière vénézuélienne à des prix préférentiels, finance des interventions sociales ponctuelles et certains projets d’infrastructures. La coopération triangulaire pour sa part se limite également à quelques secteurs (sanitaires, pêche et changement climatique). À l’heure où l’Amérique du Sud élabore un schéma d’intégration très volontariste, il mérite que l’on s’interroge à savoir si cela s’accompagne d’une réflexion sur le rôle de la coopération intra-régionale, nous amenant peut-être à nous pencher sur des questions plus structurelles telles que les infrastructures régionales de transport, les communications, les économies locales, les modèles soutenables d’agriculture et d’exploitation de matières premières, les capacités de recherche et échanges scientifiques, ainsi que les réformes des modèles éducatifs. Ce débat peine à émerger malgré l’essoufflement de l’AOD et de son rôle limité en Amérique latine. Les structures institutionnelles nouvellement créées (ALBA, CELAC, UNASUR, etc.) viennent s’ajouter ou se substituer aux anciennes structures d’intégration sans qu’il y ait des propositions claires quant au rôle que pourrait jouer un nouveau type de coopération face aux visions traditionnelles largement dominées par les conceptions apportées par l’AOD. On est donc en droit de se demander si derrière cette difficulté ne se cache pas une autre question essentielle : quel développement pour la région?

Documents joints

Partenaires

Banque ScotiaMinistère des Relations internationales et de la Francophonie | Québec Faculté de science politique et de droit | UQAM

Institut d’études internationales de Montréal (IEIM)

Adresse civique

Institut d’études internationales de Montréal
Université du Québec à Montréal
400, rue Sainte-Catherine Est
Bureau A-1540, Pavillon Hubert-Aquin
Montréal (Québec) H2L 3C5

* Voir le plan du campus

Téléphone 514 987-3667
Courriel ieim@uqam.ca
UQAM www.uqam.ca

Un institut montréalais tourné vers le monde, depuis 20 ans!

— Bernard Derome, Président

Créé en 2002, l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM) est un pôle d’excellence bien ancré dans la communauté montréalaise. Les activités de l’IEIM et de ses constituantes mobilisent tant le milieu académique, les représentants gouvernementaux, le corps diplomatique que les citoyens intéressés par les enjeux internationaux. Par son réseau de partenaires privés, publics et institutionnels, l’Institut participe ainsi au développement de la « diplomatie du savoir » et contribue au choix de politiques publiques aux plans municipal, national et international.

Ma collaboration avec l’IEIM s’inscrit directement dans le souci que j’ai toujours eu de livrer au public une information pertinente et de haute qualité. Elle s’inscrit également au regard de la richesse des travaux de ses membres et de son réel engagement à diffuser, auprès de la population, des connaissances susceptibles de l’aider à mieux comprendre les grands enjeux internationaux d’aujourd’hui. Par mon engagement direct dans ses activités publiques depuis 2010, j’espère contribuer à son essor, et je suis fier de m’associer à une équipe aussi dynamique et impliquée que celle de l’Institut.

Bernard Derome

À l’occasion de la rentrée universitaire 2023-2024, le président de l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM) s’est prononcé sur la situation géopolitique mondiale.

« L’ordre mondial, tel que l’on l’a connu depuis la fin de la guerre froide, est complètement bousculé avec des rivalités exacerbées entre les grandes puissances et des impérialismes démesurés. »

– Bernard Derome

Inscrivez-vous au Bulletin hebdomadaire!


Contribuez à l’essor et à la mission de l’Institut !