
L’IEIM vous présente Maryse Potvin, cotitulaire de la Chaire COLIBEX
Maryse Potvin est professeure titulaire de sociologie en éducation à l'UQAM, 31 mars 2025, Maryse Potvin
Maryse Potvin est professeure titulaire de sociologie en éducation à l’UQAM et cotitulaire de la Chaire de recherche France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression (COLIBEX), qui a récemment rejoint l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM) à titre d’unité membre.
Politologue et sociologue de formation, elle a d’abord enseigné sur les politiques publiques à l’Université de Sherbrooke pendant huit ans, puis travaillé en élaboration des politiques au ministère de l’Immigration. Spécialiste en sociologie du racisme et des rapports ethniques, elle a ensuite obtenu un poste de professeure sur ces enjeux à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, où elle a fondé en 2013 le Réseau International Éducation et Diversité (RIED) avec des collègues de Suisse, de France et de Belgique, ainsi que l’Observatoire formation, diversité et équité (OFDE), qui coordonne un réseau de professeurs qui enseignent sur la diversité dans les universités québécoises. Elle a ainsi ouvert et développé le champ de l’équité, de la diversité et de l’inclusion sur les enjeux de diversité ethnoculturelle, dans une perspective intersectionnelle, particulièrement depuis 2010. Elle a entre autres travaillé sur les compétences professionnelles des enseignants en contextes de diversité et les enjeux éthiques de l’enseignement. Elle est aussi membre de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents et de l’équipe Recherche et Action sur les Polarisations Sociales (RAPS).
Depuis près de 30 ans, ses travaux abordent les rapports ethniques, le racisme, le populisme, l’équité et l’inclusion, autant dans les politiques et pratiques institutionnelles que dans les discours sociaux, les polémiques publiques dans les médias, les mutations du néonationalisme québécois, l’éducation antiraciste, inclusive, à la citoyenneté et aux droits et les enjeux de liberté académique et de liberté d’expression. Ils ont donné lieu à plus de 200 publications. Ses intérêts de recherche actuels se concentrent surtout sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression, notamment concernant la science, le savoir et la liberté académique, dans leurs dimensions juridiques, politiques, médiatiques, expérientielles et pratiques.
Au cours de sa carrière, elle s’est aussi largement penchée sur l’impact de certaines crises sur les discours sociaux dans les médias et la sphère publique.
« J’ai analysé les discours sur la crise post-référendaire de 1995, ce qui m’a amené à travailler pour la commission Bouchard-Taylor sur la crise des accommodements raisonnables de 2006 (…), sur le traitement médiatique des « affaires » et les discours sociaux dans les médias. »
Par ces travaux, et d’autres plus récents, elle a notamment mis en évidence la banalisation de discours racistes et conspirationnistes dans la presse d’opinion et les médias sociaux :
« J’ai montré (…) comment la surenchère médiatique a créé une situation d’ouverture plus large aux discours racistes et une banalisation de ceux-ci. »
Plus récemment, elle a aussi mené des recherches sur les discours post-attentat, ceux entourant l’attentat à la grande mosquée de Québec en 2017, chez les chroniqueurs, les citoyens « ordinaires » et les groupes ultranationalistes ou populistes identitaires sur les réseaux sociaux (comme la Meute ou la Fédération des Québécois de souche).
Maryse Potvin s’est aussi intéressée au développement des médias numériques, ce qui l’a menée à analyser les processus de désinformation, le conspirationnisme, et le fonctionnement des algorithmes sur ces plateformes, qui multiplient ces phénomènes.
Ces questionnements l’ont aussi amenée à s’intéresser aux enjeux de la liberté académique et aux menaces qui pèsent sur celle-ci. Dans le cadre de la Chaire de recherche France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression (COLIBEX) créée en 2023, elle dirige l’axe 3, « savoirs, science et liberté d’expression », au sein duquel plusieurs travaux sont menés par les cochercheurs associés à son axe. Elle élabore notamment avec son équipe une cartographie sur la liberté académique et les « menaces » envers la science au Canada, comportant plusieurs volets (les cas médiatisés, les cas judiciarisées, les encadrements juridiques ou politiques). Elle organise de nombreuse conférences et colloques nationaux et internationaux sur ces enjeux avec les chercheurs de la chaire en France et au Québec, mais aussi avec des collègues des États-Unis et de différents pays européens.
Plusieurs publications et ouvrages sont en cours sur ces enjeux, dont un ouvrage collectif intitulé « Polémiques publiques, médias et radicalités discursives » aux PUQ, qui traite de différentes polémiques depuis 2017 (le wokisme, la loi 21, le racisme systémique). De même, un livre consacré au n-word et à sa couverture médiatique au Canada est en cours, ainsi qu’un ouvrage collectif, réunissant des chercheurs nationaux et internationaux portant sur les menaces envers les institutions du savoir et la liberté académique dans une perspective comparative. Tous ces ouvrages ont en commun de réfléchir à la démocratie à travers le prisme de certains droits fondamentaux : droit à l’éducation, droit à la liberté académique, droit à la science et droit à une information juste…
Dans le cadre de cette réflexion, Maryse Potvin et ses collègues travaillent sur la protection du droit à la science, considérant la science comme « bien public commun » (Conseil des droits de l’homme (ONU, CDH, 2024), et comme composante de la vie culturelle (ONU, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 2020), interreliant (et articulent) étroitement le droit à l’éducation, le droit de participer à la vie culturelle, le droit de bénéficier du progrès scientifique, la liberté de recherche, la liberté d’expression, la liberté d’opinion mais aussi le droit à une information juste. Car la science a des effets transformateurs sur les actions visant à combattre les problèmes environnementaux, sociaux, politiques et économiques complexes et interdépendants auxquelles sont confrontées les populations, les gouvernements et la planète : désinformation, algorithmes des médias sociaux, IA générative, pandémies, accès à la santé et à l’éducation, épuisement des ressources naturelles, perte de la biodiversité, changements climatiques, conflits et crises humanitaires qui en découlent. Avec ses collègues de la chaire, elle a présenté diverses propositions sur la science comme bien public commun et la régulation des médias sociaux dans un mémoire auprès du Comité permanent du patrimoine canadien à la Chambre des communes à Ottawa, dans le cadre de son étude sur la protection de la liberté d’expression et sur les moyens que devrait avoir à sa disposition le gouvernement afin d’en assurer l’exercice1.
Pour le futur, elle espère que le Québec et le Canada ne subissent pas les effets négatifs des décrets de Trump, qui détruisent actuellement la science, la démocratie et les droits par la désinformation et les discours idéologiques comme aux États-Unis :
« On a tous l’impression d’être impuissants, mais il faut être solidaires de nos collègues américains dans la protection des institutions du savoir dans nos démocraties, incluant les médias, les écoles, les universités et les scientifiques »
Pour ce faire, elle souhaite que le milieu de l’éducation et les gouvernements adoptent des réglementations plus strictes envers les réseaux sociaux (sur la transparence des algorithmes et la vérification des faits), et des balises pour protéger l’autonomie des institutions du savoir contre l’ingérence politique, l’autoritarisme et le fascisme à la manière de Trump.