
Israël contre le Hamas et le Hezbollah : y a-t-il un vainqueur?
Point de vue diplomatique, 10 mars 2025, François LaRochelle
Le Hamas parade les otages israéliens sur une scène à Gaza et confirme que bien qu’affaibli, il contrôle toujours l’enclave. Le Hezbollah, lui, rassemble dans un stade près d’un million de Libanais pour les funérailles de son ancien dirigeant, Hassan Nasrallah.
On peut se demander qui d’Israël, des Palestiniens et des Libanais, sort vraiment gagnant de la confrontation qui a débuté le 7 octobre 2023. En effet, le gouvernement Nétanyahou visait la mise hors circuit du Hamas et du groupe chiite au Liban. Ce ne semble vraisemblablement pas le cas.
« S’il y a un trait commun dans le monde arabo-musulman, une région très diversifiée par ses cultures et traditions, c’est bien l’attachement au pays, à la terre. »
Évidemment rien n’est vraiment réglé dans ce conflit. Des cessez-le-feu plus ou moins respectés ont été mis en place. Des négociations devaient se dérouler entre le Hamas et l’État hébreu pour passer à une autre étape de leur accord mais pour l’instant il y a un blocage car elle risque de faire perdre le pouvoir à Nétanyahou. Au Liban, les forces israéliennes ne se sont pas complètement retirées et se sont même emparées de territoires dans le Golan syrien. Autant d’arguments pour ceux qui voudront encourager des attaques futures contre Israël.
En même temps, Tsahal a augmenté ses opérations en Cisjordanie et a vidé des camps de réfugiés de leur population dans un contexte de lutte « anti-terroriste ». On peut s’attendre à ce qu’elle laisse là aussi un tas de ruines quand elle aura terminé sa campagne.
La question de la reconstruction et de l’avenir de Gaza reste en suspens. Un plan adopté à ce sujet par la Ligue arabe le 4 mars a aussitôt été rejeté par Israël et les États-Unis. Il a, en revanche, été soutenu par l’Organisation de la coopération islamique (OCI). L’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie ont salué cette initiative qui ouvre, selon eux, « une voie réaliste vers la reconstruction de Gaza ».
S’il y a un trait commun dans le monde arabo-musulman, une région très diversifiée par ses cultures et traditions, c’est bien l’attachement au pays, à la terre.
Les exemples les plus récents sont évidemment la Palestine et le Liban. Leurs populations viennent de vivre une période d’extrême adversité, qui a atteint des sommets de souffrance humaine et de destructions. Pourtant on a vu des centaines de milliers de personnes, souvent à pied, retourner vers ce qu’ils savaient sans doute être un tas de gravats à Gaza ou d’autres qui ont laissé leur vie pour avoir refusé les ordres de l’occupant au Sud Liban, de ne pas avancer vers leur village. Mais pas question d’abandonner un sol qui leur appartient depuis des siècles.
Comme quoi il est plus facile de tuer femmes et enfants, démolir écoles et hôpitaux que de détruire la volonté, le courage et la résilience des peuples. La solidarité familiale et clanique permet aussi de passer à travers ces terribles épreuves.
« Ce qui vient de se passer entre les Palestiniens, les Libanais et les Israéliens va s’inscrire durablement dans les mémoires de part et d’autre. »
En fin de compte, bien qu’Israël se soit montré capable de beaucoup détruire autour de lui, que lui restera-t-il ? Une certaine sécurité mais pour combien de temps ? Avec contre lui des générations
de haine et de désir de vengeance.
Il peut néanmoins toujours compter sur l’appui sans nuance de l’administration américaine de Trump. En fait, on peut se demander si, à plus long terme, cette aide militaire et politique de Washington, ne risque pas de nuire à l’État hébreu. Pensons à ce qui arrive au Canada qui a mis presque tous ses œufs dans le panier américain et voilà qu’arrive Trump! Ce dernier, en outre, lâche l’Ukraine. On peut faire mieux comme allié.
D’ailleurs, Washington a confirmé avoir eu des contacts directs avec le Hamas, au Qatar. Un développement totalement inattendu et sans doute très mal vu à Jérusalem. Avec le vent en poupe, les extrémistes religieux en Israël, avec l’aide de la droite évangélique aux Etats-Unis, espèrent maintenant pouvoir annexer la Cisjordanie. Un pari particulièrement risqué s’il se concrétise.
Ce qui ne serait pas surprenant avec l’approche actuelle de Trump dans sa « gestion » des affaires mondiales, en plein dérapage. Les conséquences aux plans sécuritaires, démographiques, économiques et bien sûr politiques pour Israël seront sérieuses. Cette prise de possession illégale de territoires palestiniens augmentera l’isolement de ce pays. Car à l’exception de Washington
et de quelques autres, la grande majorité de membres de la communauté internationale refusera de la reconnaître.
Elle compliquera encore davantage les relations avec l’Arabie saoudite et le reste du monde arabe qui finalement a fait front commun, pour une fois, pour mettre fin au projet surréaliste de la « belle Riviera Trumpienne » à Gaza. Du moins pour l’instant. Ce qui vient de se passer entre les Palestiniens, les Libanais et les Israéliens va s’inscrire durablement dans les mémoires de part et d’autre. L’attaque du Hamas contre Israël et ses suites a traumatisé sa population. Son cauchemar se poursuit avec la libération au compte-goutte d’otages encore vivants ou de corps sans vie.
La société israélienne subit l’impact de la volonté de Nétanyahou et de ses soutiens à la Knesset d’empêcher tout véritable progrès vers une paix qui garantirait la sécurité d’Israël et des Palestiniens. On rapporte que des Israéliens souvent jeunes et bien éduqués, n’en pouvant plus de vivre sous le régime actuel, et qui sont pessimistes sur leur avenir quittent pour l’étranger avec leur famille. Ce serait un mauvais signe pour un pays qui cherche depuis sa création à accroître sa population par l’arrivée de juifs de la diaspora.
La solution des deux États est la seule qui pourra mettre fin à ce conflit sans fin et permettre à Israël et ses voisins de vivre en paix. D’ailleurs des pays arabes et occidentaux, dont notamment l’Arabie saoudite et la France ont l’intention de poursuivre le travail vers cet objectif. Des conférences sont prévues dans les prochains mois pour soutenir cette initiative ainsi que la reconstruction de Gaza.
François LaRochelle est fellow de l’Institut d’études internationales de Montréal. Au cours de sa carrière de diplomate, il a notamment été en poste à Damas et au Liban (1990-1993) et affecté deux fois au Caire, entre autres comme Chef de mission adjoint (2003-2006). Il a occupé diverses fonctions à l’administration centrale à Ottawa, incluant au Bureau du Conseil Privé-Secrétariat de la politique étrangère et de la défense.
Document joint
Israel-Hamas-Hezbollah_Point de vue diplomatique de François LaRochelle_mars 2025