Guerre au Moyen-Orient : en attendant Trump
Point de vue diplomatique, 9 décembre 2024, François LaRochelle
Le conflit qui se déroule depuis plus de 14 mois au Moyen-Orient aura des répercussions majeures sur la configuration future de la région.
Ce fut d’ailleurs le cas lors des précédentes guerres avec Israël. De très nombreux pays sont déjà impliqués, d’une manière ou d’une autre, du Liban au Yémen en passant par la Syrie, l’Iran ou l’Égypte. Sans oublier les Palestiniens, principales victimes en termes de pertes de vie, de blessés et de destructions à Gaza et en Cisjordanie.
Israël a été la cible presque quotidienne de missiles ou drones en majorité du Hezbollah libanais. Une bonne partie de sa population, le long de sa frontière nord avec le Liban, a dû être évacuée. Comme plus d’un million de Libanais d’ailleurs.
Le récent accord pour un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, s’il tient, devrait permettre aux nombreux déplacés des deux côtés de revenir chez eux, et constituer une étape importante vers une fin permanente des hostilités. Quelle forme prendra cette nouvelle architecture régionale? Difficile de prévoir.
Ainsi, comment les dirigeants iraniens vont-ils réagir face à la menace militaire israélienne? Accélérer le processus pour se doter de l’arme nucléaire? Ou jouer un rôle constructif pour rétablir la stabilité dans la région?
Qu’en sera-t-il du rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran? Circonstanciel ou changement de stratégie significatif? Qui va organiser et financer la reconstruction de Gaza et du Liban? Bien qu’affaiblis, le Hamas et le Hezbollah vont-ils demeurer incontournables? La Chine et la Russie vont-elles profiter de la situation pour accroître leur influence dans la région aux dépens des Américains?
« Sur la question palestinienne, l’éléphant dans la pièce, comme on dit, est évidemment le président élu Donald Trump. »
On ne connaît pas encore ses intentions concrètes, mais il vient, en tous les cas, de nommer des faucons pro-israéliens aux postes d’ambassadeur américain à Jérusalem et d’envoyé spécial pour le Moyen-Orient.
Lors de son premier mandat, Trump avait fait beaucoup pour Israël, notamment en déménageant l’Ambassade américaine à Jérusalem et en reconnaissant unilatéralement l’annexion du Golan occupé, par Israël. On peut penser que les pressions seront fortes sur la nouvelle administration à Washington pour accepter une éventuelle annexion de la Cisjordanie par Israël, l’objectif de plusieurs générations d’extrémistes religieux de la droite israélienne. Ces derniers voudraient aussi implanter des colonies de peuplement dans le nord de Gaza. Trump leur donnera-t-il carte blanche?
A contrario, certains espèrent que Trump fera jouer ses contacts dans les monarchies du Golfe pour obtenir un « deal » qui permettrait la création d’un État palestinien en échange d’une reconnaissance d’Israël par l’Arabie saoudite. Mais ce scénario est-il toujours jouable? Pour y arriver, il faudrait que la population israélienne, traumatisée par l‘attaque du Hamas du 7 octobre 2023, accepte que sa sécurité passe par la solution des deux États. Ce qui est présentement peu envisageable, selon les sondages.
Les Palestiniens auraient aussi sûrement des réticences. Ils négocieraient en situation de grande faiblesse, sans leadership clair. C’est difficile pour eux de faire abstraction des souffrances subies depuis les 14 derniers mois. On ne peut totalement exclure un évènement qui changerait la donne comme un changement de gouvernement à Jérusalem, sans Nétanyahou et ses appuis des partis religieux.
On peut aussi toujours rêver d’une initiative spectaculaire par un dirigeant saoudien, semblable au voyage de l’ancien Président égyptien Sadate en Israël en 1977, menant aux accords de Camp David! Mais le monde a beaucoup changé depuis.
« Le dossier israélo-libanais semble apaisé pour l’instant, en espérant qu’il le reste, mais l’avenir des Palestiniens, lui, demeure toujours aussi incertain. »
On saura dans les prochaines semaines si la nouvelle administration américaine entend faire un effort sérieux pour trouver une solution ou simplement s’en remettre aux visions bibliques de certains.
François LaRochelle est fellow de l’Institut d’études internationales de Montréal. Au cours de sa carrière de diplomate, il a notamment été en poste à Damas et au Liban (1990-1993) et affecté deux fois au Caire, entre autres comme Chef de mission adjoint (2003-2006). Il a occupé diverses fonctions à l’administration centrale à Ottawa, incluant au Bureau du Conseil Privé-Secrétariat de la politique étrangère et de la défense.
Document joint
Guerre au Moyen Orient _Point de vue diplomatique de François LaRochelle_mars 2024