Crises à l’horizon au Moyen-Orient
Décembre 2022, 5 décembre 2022, François LaRochelle
Sauf changement imprévu, Benyamin Nétanyahou redeviendra Premier ministre en Israël.
Tout un retournement de situation pour celui qui fait toujours l’objet de poursuite pour corruption. On pensait que sa carrière politique était terminée après sa défaite de juin 2021.
La nouvelle coalition gouvernementale reste à finaliser. Les tractations où chaque parti tente de s’accaparer des sièges ministériels et de protéger les intérêts de la communauté qu’il représente sont toujours complexes.
Les partenaires naturels de Nétanyahou sont les ultra-orthodoxes religieux mais s’est ajouté le parti d’extrême droite radicale « Sionisme religieux », désormais la troisième force politique en Israël. Ce dernier est dirigé par Itamar Ben-Gvir, un chef populiste qualifié de « fasciste juif » par certains.
Ils font déjà pression pour que le caractère juif et religieux du pays devienne prioritaire, avec comme conséquence un impact important sur la société et l’identité de l’État hébreu.
On s’inquiète aussi de l’avenir démocratique d’Israël alors que ces partis pourraient tenter de préserver leur pouvoir en modifiant les institutions et le système judiciaire à leur profit.
On s’attend à ce que le nouveau cabinet rende la vie des Palestiniens en Israël, Gaza, Cisjordanie et Jérusalem-Est, encore plus difficile qu’elle ne l’est actuellement.
Avec comme conséquence une montée accrue des tensions, des provocations et du nombre de victimes.
Ce conflit quasi oublié qu’est devenu la question palestinienne reviendra alors à l’ordre du jour international.
Faut-il souligner que le principe des deux États, Israël et Palestine, vivant pacifiquement côte à côte n’est désormais qu’un leitmotiv creux qu’utilisent les dirigeants mondiaux sans vraiment y croire.
Des espoirs étaient apparus, lors de l’arrivée de l’administration Biden à la Maison-Blanche d’une reprise du processus de paix.
L’aide humanitaire américaine aux Palestiniens est revenue mais rien n’a bougé au plan politique, même après la défaite de Nétanyahou et la formation d’une coalition qui incluait un parti arabe-israélien.
Les pays arabes sont, eux, aux abonnés absents. La cause palestinienne n’est plus pour la plupart de leurs dirigeants qu’une arrière-pensée.
Certains régimes comme l’Égypte ou la Tunisie renforcent leur autorité autocratique, d’autres sont obsédés par leur peur de l’Iran. Enfin il y a des États en déchéance ou en passe de le devenir. Pensons au Liban ou à la Libye.
La nouvelle coalition israélienne aura donc les coudées franches pour faire avancer un agenda qui devrait se traduire par davantage de contrôle israélien sur les Palestiniens et des ambitions territoriales accrues.
Est- ce que le « roi Bibi », comme le surnomment ses supporteurs, freinera les éléments les plus extrémistes de son cabinet? On peut en douter car sa priorité sera de rester au pouvoir et d’éviter de se retrouver en prison.
Face à cette situation, que feront Washington, l’Union européenne ou le Canada? Iront-ils au-delà de l’expression de leurs « graves préoccupations » et des habituels appels à la modération?
Peu probable, sauf si la situation dégénère au risque de menacer la stabilité régionale. Ou que la spirale de violence devienne insupportable pour les opinions publiques occidentales.
Pourtant le 27 octobre dernier, dans une tribune dans le quotidien français Le Monde, cinq anciens ministres européens des Affaires étrangères indiquaient n’avoir d’autre alternative que de « reconnaître que les politiques et pratiques d’Israël à l’encontre des Palestiniens équivalent au crime d’apartheid ». Ils demandaient à mettre fin à ces politiques et à faire apparaître les perspectives d’une solution à deux États au conflit.
L’autre sujet international qui reviendra à la surface sera fort probablement la question nucléaire et l’Iran.
Nétanyahou reprendra sa campagne pour empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire. L’Iran pourrait vouloir détourner l’attention de ses problèmes internes actuels et jouer la carte nationaliste et réactiver ses forces militaires encore en Syrie ainsi que le Hezbollah libanais.
Que fera la Russie de Poutine à la fois partie au groupe de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran (maintenant privé des États-Unis) mais qui s’approvisionne en drones iraniens contre l’Ukraine? Intéressante question.
La plupart des nations arabes du Golfe se réjouiront sans doute de ce regain anti-iranien. L’Arabie Saoudite en tête. Ainsi que celles des accords dits d’Abraham, comme les Émirats arabes unis, qui se sont rapprochés d’Israël avec l’établissement de relations diplomatiques et qui multiplient les liens commerciaux et de sécurité avec ce nouveau partenaire.
En retour, ils pourraient regarder ailleurs dans le dossier palestinien et laisser faire Jérusalem.
Alors qu’un conflit majeur se déroule en Europe, on aurait pu facilement se passer de la reprise des crises au Moyen-Orient.
Mais les électeurs israéliens ne voyaient pas cela de la même façon, semble-t-il.
Auteur
François LaRochelle est fellow de l’Institut d’études internationales de Montréal. Au cours de sa carrière de diplomate il a notamment été en poste à Damas et au Liban (1990-1993) et affecté deux fois au Caire, entre autres comme Chef de mission adjoint (2003-2006). Il a occupé diverses fonctions à l’administration centrale à Ottawa, incluant au Bureau du Conseil Privé-Secrétariat de la politique étrangère et de la défense.