
COVID-19 et la lutte aux changements climatiques
Texte rédigé par Christina Popescu, candidate au doctorat en psychologie sociale à l’UQAM et responsable des communications et réseaux sociaux à l’IEIM, 30 mars 2020, Christina Popescu
Avant l’arrivée de la COVID-19, la pollution et les conséquences des changements climatiques constituaient les plus grandes menaces à craindre concernant l’avenir. Aujourd’hui, même si le nouveau coronavirus est présent sur toutes les lèvres, les journaux et les médias sociaux, la crise climatique qui nous guette ne s’est pas pour autant estompée. Elle est toujours présente et il demeure encore urgent d’agir à cet effet.
Un petit rappel concernant la situation environnementale pré-SARS-CoV-2 s’impose. Dans le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC/IPCC), il était annoncé qu’en 2017, le réchauffement planétaire avait atteint la barre du 1°C au-dessus des températures moyennes présentes 30 ans plus tôt. Sans modifications notables posées à l’égard des émissions de gaz à effet de serre (GES) produites au niveau mondial, les scientifiques prévoient une augmentation de 1.5°C des températures moyennes à la surface du globe entre les années 2030 et 2052 dans le meilleur des scénarios.
Il va sans dire que ce scénario envisagé, qui est devenu le plus optimiste si les émissions de GES continuent d’augmenter, aurait des retombées négatives considérables sur l’environnement et la biodiversité tels que nous les connaissons aujourd’hui, mais également sur les individus et les sociétés humaines. Pour ne citer que quelques chiffres, plus de 400 millions de personnes dans le monde risquent d’être touchées par la hausse du niveau des océans alimentée par la fonte des glaciers, alors que près de 74% de la population mondiale risque d’être exposée à des vagues de chaleur mortelles d’ici 2100. En ce qui a trait à la pollution atmosphérique, qui est en constante croissance, les pronostics ne sont guère réjouissants : celle-ci fait déjà des ravages au sein de la population mondiale. Depuis quelques années, elle est considérée la cause de décès annuelle de près de 800 000 personnes en Europe et de 8.8 millions de personnes à l’échelle mondiale. En comparaison, la crise de la COVID-19 a tué plus de 37 000 personnes en date du 30 mars 2020.
La baisse notable de la pollution atmosphérique
Toutefois, avec l’arrivée de la COVID-19, nous avons pu constater que l’avènement d’une mobilisation étatique sans précédent peut être déployée pour contenir la propagation de cette nouvelle maladie. Pour ce faire, des mesures de confinement de la population, plus ou moins strictes selon les pays et les régions, ont rapidement été instaurées. Pour conséquences, des milliers d’avions sont demeurés cloués au sol avec l’annonce de la fermeture de plusieurs frontières étatiques, et par manque de clientèle, alors que de nombreuses industries se sont retrouvées être mises en veille depuis que des millions d’employé.e.s ont reçu l’ordre de ne plus se rendre sur leur lieu de travail.
Malgré la crise sanitaire et les conséquences néfastes qu’elle engendre aux niveaux économiques et sociaux, une diminution importante du taux de pollution atmosphérique a été observée depuis l’apparition de cette maladie. Et les constats sont effarants.
En Chine, la NASA a rapporté une baisse drastique du niveau de dioxyde de nitrogène (NO2), un polluant émis par la combustion d’énergies fossiles, dans la ville de Wuhan pour le mois de février 2020. En Europe, l’Agence spatiale européenne (ESA) a également rapporté des résultats similaires pour le mois de mars 2020 : les concentrations de NO2 ont également diminué dans la plaine du Pô et le nord de l’Italie, qui sont les régions les plus touchées par la crise, mais également en France, en Espagne et au Portugal. En Amérique du Nord, les résultats préliminaires de chercheur.e.s de l’Université Columbia ont démontré que le taux de monoxyde de carbone émis par le trafic routier à New York avait chuté de 50% en mars 2020, en comparaison avec celui présent au mois de mars 2019. Sans avoir les données pour l’ensemble des pays, il apparaît que les mesures étatiques mises en oeuvre pour réduire la propagation de la COVID-19 ont permis de réduire rapidement et considérablement les émissions de GES à travers le monde.
Une possible voie vers une mobilisation internationale ?
La menace sanitaire a frappé le monde entier par sa soudaineté, alors que la menace climatique, elle, ne sera réellement visible que d’ici quelques années. L’urgence d’agir demeure toutefois présente dans les deux cas et un travail de coopération et de mobilisation internationale est nécessaire pour réduire dès maintenant les conséquences futures de ces deux crises.
L’apparition de la COVID-19, bien que la lutte pour sa propagation soit présentement gérée de manière individuelle par les États, nous démontre qu’il peut être possible de réagir rapidement face à une menace commune. Toutefois, comme l’a fait valoir M. António Guterres, secrétaire général des Nations Unies, dans une récente conférence de presse, la solidarité entre les pays demeure le meilleur remède pour faire face de manière durable à cette pandémie, car tous les pays ne sont pas égaux face à cette crise sanitaire. Selon lui, si les pays ayant réussi à résorber la pandémie ne coopèrent pas pour l’endiguer complètement à travers la planète, même au sein des États plus fragiles, cette menace demeurera toujours présente et risquera de refaire surface à tout moment.
Tout comme pour la COVID-19, les États ne sont pas tous égaux face à la menace climatique, et la mise en place d’une réelle coopération internationale est nécessaire pour agir sur les émissions de GES mondiales, et par extension, sur les changements climatiques. Stabiliser le climat d’une planète entière ne peut se faire si chaque pays n’agit que pour ses propres intérêts; cela demande un travail et un effort commun de la part de tous les États afin de tendre vers une diminution notable des GES dans l’atmosphère.
Il y a tout à espérer que cette crise sanitaire ouvrira les yeux des individus et des États sur l’importance de porter des actions communes pour contrer la menace des changements climatiques qui pèse sur nos têtes. Il y a également tout à souhaiter que ces actions soient prises avec la même rapidité que celles mises en place pour contrer la propagation de la COVID-19.
Tel que l’énonçaient Eric Galbraith, professeur au Département des sciences de la terre à l’Université McGill, et Ross Otto, professeur adjoint en psychologie à l’Université McGill : «Lorsque la poussière de la COVID-19 se déposera, nous devrions considérer ce moment comme la preuve que nos sociétés ne sont pas esclaves du destin, et trouver la force dans la capacité des sociétés modernes à réagir aux urgences mondiales.»