Sommes-nous prêts ?
Les nouvelles politiques du président américain frappent directement le cœur de l’économie canadienne et de celles d’autres alliés. Mais au-delà des tensions commerciales et des tarifs douaniers, c’est l’ensemble des normes et du droit international qui vacille sous l’effet des politiques de Donald Trump. En remettant en cause plusieurs principes fondamentaux du multilatéralisme, il redéfinit un ordre mondial basé non plus sur des règles communes, mais sur des rapports de force brutaux. Son rejet des institutions internationales, illustré par le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, de l’OMS et de divers accords commerciaux, en est une preuve flagrante.
En contestant le rôle des organisations comme l’ONU et l’OMC, il favorise une approche strictement transactionnelle des relations internationales, où les alliances et les engagements ne sont plus que des instruments au service d’intérêts immédiats. Cette attitude érode la confiance dans le droit international, créant un dangereux précédent qui pourrait inciter d’autres États à remettre en question les accords globaux, menaçant ainsi la stabilité et la coopération internationale.
Parallèlement, le gel des fonds de l’USAID, désormais placé sous la tutelle du milliardaire mégalomane Elon Musk, porte un coup dramatique à l’aide au développement. La Chine et la Russie n’en demandaient pas tant : elles prennent l’espace laissé vacant par ce qui était jusqu’ici le plus grand programme d’aide internationale au monde qui se démantèle sous nos yeux. Derrière cette guerre tarifaire, c’est donc une transformation historique du système international qui se joue : le « gendarme du monde » semble désormais se muer en pyromane. Et ce précédent pourrait bien encourager d’autres régimes, qu’ils soient démocratiques ou autoritaires, à tester les limites de ce nouvel ordre mondial en pleine mutation.
Revenant d’Europe, où j’ai eu le privilège de rencontrer les dirigeants des plus grandes organisations humanitaires, je peux témoigner du climat alarmant qui y règne. Le ton des conversations est grave : la société civile est en état d’alerte face au démantèlement méthodique du système multilatéral orchestré par les États-Unis. Des décennies d’efforts pour établir et préserver un cadre de normes, de droits et d’aide internationale sont en train d’être balayées en quelques semaines.
Pourtant, ce sentiment d’urgence peine encore à se faire entendre au sein des organisations canadiennes. Dans ce contexte de mutation existentielle sans précédent, le rôle de la société civile est plus crucial que jamais. Alors que les médias sont fragilisés et que l’opposition politique est muselée aux États-Unis, la voix des organisations de la société civile doit se faire entendre avec force et clarté. Il ne s’agit pas seulement d’emplois perdus ou de boycotts économiques : ce sont des millions de vies qui dépendent du fragile équilibre encore en place.
L’heure est grave. Il est impératif que notre société civile prenne la pleine mesure de ces bouleversements et se mobilise pour préserver les règles de droit avant qu’il ne soit trop tard.
– François Audet, directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM)