Noir Canada : pillage, corruption et criminalité en Afrique

Les Éditions Écosociété, 2008, 23 avril 2008, Alain Deneault

Auteur : Alain Deneault (Avec Delphine Abadie et Wiliam Sacher)

http://www.ecosociete.org/t117.php

S’il ne s’agissait pas de faits scrupuleusement recensés et vérifiés, ce livre serait un roman noir, un thriller économique qui fait froid dans le dos. Les horreurs ici rassemblées provoquent des hauts le coeur. Malheureusement, ce Noir Canada existe bel et bien et cet ouvrage se donne pour mission et devoir d’informer les citoyenNEs canadienNEs sur les agissements hautement critiquables des sociétés minières et pétrolifères canadiennes en Afrique.*

En dénonçant de nombreux abus qualifiables de crimes commis par ces sociétés privées, Alain Deneault s’attaque à l’image factice répandue sur la scène internationale d’un Canada intrinsèquement pacifiste, bon et généreux. Il recense avec soin et précision les nombreux cas (déjà rapportés ailleurs dans le monde par plusieurs ONG, journalistes, analystes ainsi qu’experts de l’ONU) dans lesquels les sociétés canadiennes se rendent coupables de corruption, de pillage institutionnalisé des ressources minières ou pétrolières des pays africains, et attisent ou maintiennent l’instabilité et les conflits pour obtenir de juteux contrats. La liste est longue : ingérence politique et contrats outrancièrement avantageux dans la fragile République démocratique du Congo, partenariats avec les seigneurs de guerre, vendeurs d’armes et mercenaires de la région à feu et à sang des Grands Lacs, collusions mafieuses dans l’Ouganda voisin, mineurs enterrés vifs en Tanzanie, empoisonnement massif et « génocide involontaire » au Mali, expropriations brutales au Ghana, transformation des Ivoiriens en cobayes pharmaceutiques, barrages hydroélectriques dévastateurs au Sénégal, privatisation sauvage du transport ferroviaire en Afrique de l’Ouest…

Ces abus sont rendus possibles par un soutien sans faille du gouvernement canadien. L’auteur décrit avec lucidité et ironie toute l’architecture d’un système politique et financier honteux dans lequel le Canada joue le rôle d’un véritable « paradis judiciaire » pour de nombreuses compagnies. La Bourse de Toronto, extrêmement permissive, est taillée sur mesure pour les compagnies minières et pétrolifères mondiales accueillies à bras ouverts par un gouvernement qui leur offre une couverture juridique quant aux abus qu’elles commettent à l’étranger. Ce soutien économique ne va pas sans un soutien diplomatique et politique dont ont fait preuve d’ex-premiers ministres se targuant d’être « amis de l’Afrique », tel que Jean Chrétien. Pourtant vierge de tout passé colonialiste, le Canada, notamment avec l’aide de l’ACDI, maintient l’Afrique dans un état de dépendance post-coloniale.

Le public canadien doit être informé des abus qui sont commis en son nom et qu’il se trouve à financer parfois lui-même, via les placements de ses gouvernements, ses portefeuilles d’actions privés, ses REÉR ou ses cotisations à des fonds de retraite.

En Afrique, comme au Canada, les sociétés privées obéissent à une même logique : prendre possession des ressources d’un pays pour une bouchée de pain puis en tirer des profits financiers colossaux sur les places boursières, pour enfin inscrire les actifs dans des paradis fiscaux. Ce système se résume à un déni profond de la souveraineté politique des États de droit et cela, au final, ne profite ni aux Africains, ni aux Canadiens.

Alain Deneault anime le collectif Ressources d’Afrique. Il est titulaire d’un doctorat de philosophie de l’Université de Paris-VIII. Ses recherches et publications portent sur la fonction sociale, conceptuelle, psychique et esthétique de l’argent ; les notions relatives au développement en Afrique de même que les concepts fondamentaux de la philosophie politique jaugés au regard des réalités financières offshore. Alain Deneault a fait paraître des articles dans de nombreuses revues scientifiques (Global Crime, Mouvements, Le Coq héron…) de même que dans des publications politiques telles que Billets d’Afrique, À bâbord !, ou encore dans Le Devoir. Il est l’auteur de Paul Martin et compagnies, Soixante thèses sur l’alégalité des paradis fiscaux (VLB, 2004).

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