COVID-19 : entretenir sa santé mentale par temps de crise sanitaire

Texte rédigé par Christina Popescu, candidate au doctorat en psychologie sociale à l’UQAM et responsable des communications et réseaux sociaux à l'IEIM, 23 mars 2020, Christina Popescu

Une bombe invisible nous est tombée dessus sans que l’on ne l’ait réellement vu venir. Nous l’apercevions certes faire des ravages humains et économiques dans la ville de Wuhan et dans les régions à proximité au début de l’année 2020, mais nous nous disions également que cela était loin de nous et que cette maladie ne nous toucherait probablement pas. Nous avons observé, à distance, la mise en place d’un confinement total dans la province du Hubei par le gouvernement chinois, mais sans réellement s’attendre à devoir vivre une situation similaire ici, au Québec et au Canada. En fait, de nombreuses personnes, et moi la première, ont alors minimisé les risques sanitaires que représentait ce virus sur notre propre société et notre quotidien.

Les choses ont vite changé lorsque, horrifié.e.s, nous avons observé une Italie devenant de plus en plus infectée par le SARS-CoV-2, ainsi que de voir son système médical crouler de plus en plus sous le poids de sa population malade, ainsi que grandissante, et ayant besoin d’être hospitalisée pour sa survie. C’est peut-être à ce moment-là que nous avons nous-même, au Québec, pris conscience de la gravité de la situation et de la capacité de propagation exponentielle que possède ce virus. Et peut-être même, en voyant les mesures de distanciation sociale être mises en place dans cette région du monde, avons-nous pensé que, si des personnes infectées se retrouvaient ici, il nous faudrait également agir de manière drastique et rapide pour contenir la propagation de la COVID-19. Cela dans le but d’agir pour éviter le pire, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’ont effectuées les pays européens les plus touchés.

C’est le mercredi 11 mars 2020 que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a promu l’éclosion de COVID-19 au stade de pandémie. Deux jours plus tard, soit le vendredi 13 mars 2020, la vie au Québec a été mise sur pause pour la grande majorité de la population lorsque le gouvernement a annoncé l’état d’urgence pour la province, et ce, pour une durée qui nous est encore indéterminée. Selon le Johns Hopkins Coronavirus Resource Center, le Canada compte, en date du lundi 23 mars 2020, 1560 personnes infectées par la COVID-19, alors que sur la planète, ce nombre a augmenté pour atteindre 362 019 personnes. Pour le Québec, l’annonce faite quotidiennement par le gouvernement Legault nous a permis de comprendre, qu’ici aussi, la situation empire quelque peu, le nombre de personnes infectées dans la province s’élevant maintenant à 628.

Dans ce contexte, bien que le taux de létalité de la COVID-19 ne soit pas très élevé si on le compare à d’autres maladies, telles que l’Ebola ou le SRAS, c’est plutôt la rapidité foudroyante avec laquelle elle a frappé la planète entière qui nous a tous et toutes sidéré.e.s, ainsi que pris de court. À titre indicatif, le taux de létalité du SARS-CoV-2 à l’échelle du globe se situe, en moyenne, à 3-4%. Toutefois, il est assez variable selon les pays touchés. En Corée du Sud, par exemple, il se situe à 1%, en Chine, à 4%, tandis qu’en Italie, il est à près de 10%. Ce n’est donc pas tant le niveau de létalité qui effraie que sa capacité à engorger complètement les systèmes médicaux et hospitaliers des zones touchées, notamment si aucune mesure gouvernementale n’est prise à temps pour en enrayer sa propagation.

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Pour les personnes qui peuvent et doivent encore travailler, les journées de labeur ne doivent certes plus ressembler à ce qu’elles étaient avant ce fameux vendredi 13. Que cela soit pour des motifs de distanciation sociale qui se matérialise par le télé-travail et/ou le fait de demeurer à la maison en tout temps, seul.e ou avec la famille, ou bien dû au cadre exceptionnel entourant les milieux de travail qui sont demeurés ouverts. Pour ceux et celles qui, en ce moment, tiennent le fort de la société par ces temps difficiles, plus rien n’est comme avant. Pour ceux et celles qui, de par cette situation unique, ne peuvent plus travailler, plus rien n’est comme avant non plus.

Par ces temps d’incertitudes et de chamboulements planétaires, de forts sentiments négatifs, notamment du stress et de l’anxiété, peuvent surgir en notre intérieur face à cette menace virologique qui nous guette, mais également face aux multiples répercussions sanitaires, sociales, économiques et psychologiques émanant d’elle. Notre santé mentale n’aura jamais été mise à aussi rude épreuve que par ces temps difficiles.

Est-ce donc normal de se sentir plus à cran depuis quelques jours ?

Le stress et l’anxiété au temps du coronavirus

Vivre de la peur, du stress ou de l’anxiété par ces temps de crise mondiale est quelque chose de tout à fait normal. La période que nous vivons actuellement est unique en son genre et peut occasionner de plus grands épisodes de déprime et de tristesse, ainsi qu’accentuer le sentiment de solitude vécu par de nombreuses personnes. Certains individus vivront également des épisodes de colère et de frustration à l’égard des nouvelles mesures qui nous ont été imposées, et se montrer même plus irritables ou récalcitrants. Ce sont des réactions et des émotions que nous pouvons ressentir lorsque l’on est confronté à une menace, que celle-ci soit perçue ou réelle. Aussi, il convient également de spécifier que les personnes qui vivaient déjà avec des problèmes d’anxiété et de stress avant cette crise peuvent voir leurs symptômes exacerbés par la situation actuelle.

Dans le cas de cette pandémie de COVID-19, non seulement la menace est réelle et immédiate, mais elle est, de plus, conjuguée à un côté imprévisible et nouveau qui peut apporter un sentiment de perte de contrôle et d’incertitude face à nos vies et à l’avenir. Dans certains cas, l’anxiété qui en découle est tellement soudaine et forte qu’elle peut même occasionner des réactions viscérales instinctives, comme le mentionnait la psychologue et enseignante de psychologie à l’UQAM, Dr. Pascale Brillon. Pour illustrer ce propos, nous n’avons qu’à penser, par exemple, à toutes les personnes qui, dans l’espoir d’organiser un petit nid douillet pour les semaines à venir, se sont procurées en hâte une grande quantité de papier hygiénique. Ce geste peut, entre autres, donner “l’impression de pouvoir passer au travers de la crise” de manière confortable lorsque la peur et l’incompréhension sont au rendez-vous.

Sur le stress financier

Outre la peur de manquer de confort, le fait de ne plus pouvoir travailler et de ne plus recevoir un salaire hebdomadaire a quelque chose de très angoissant en soi, en plus de la crise sanitaire en elle-même. Le stress financier que posent les mesures mises en place par le gouvernement provincial n’est pas sans affecter de nombreuses personnes, et ce, bien que ces mesures soient totalement nécessaires et justifiées. Des questions telles que : “Comment vais-je payer le loyer au début du mois ?”, “Comment vais-je payer mes dettes de cartes de crédit ?”, ou bien “Comment puis-je continuer à nourrir ma famille et mes enfants ?” peuvent devenir extrêmement angoissantes, car l’on peut se sentir très démuni.e.s et impuissant.e.s face à celles-ci.

Malgré toutes les mesures économiques que les gouvernements fédéral et provincial sont en train de mettre en place pour venir en aide aux entreprises et aux individus devant se placer en arrêt de travail, ainsi que pour pallier aux problèmes économiques qui en découleront, des milliers de personnes se retrouvent présentement dans la même situation et il est tout à fait légitime de vivre de l’anxiété par rapport au stress financier que la crise de la COVID-19 fait planer sur notre foyer et notre bien-être. Sans posséder de recette miracle, l’une des solutions face à ce problème pourrait être de créer davantage de solidarité communautaire et sociale entre les ménages et les personnes habitant un même quartier, et ce, malgré la distanciation sociale qui nous est imposée. Il nous est possible, par exemple, d’appeler un.e voisin.e ou un.e membre de la famille pour s’assurer qu’il.elle ne manque de rien, de proposer de l’aide aux personnes que l’on sait être plus à risque et vulnérables, ainsi qu’aider à fournir les banques alimentaires qui auront grand besoin de nos dons dans les semaines et les mois à venir. L’entraide et la solidarité demeurent les meilleurs alliées pour aider la résilience sociale à se mettre en place.

Sur le stress social

L’isolement qui nous est imposé par les mesures de distanciation sociale peut également peser très lourd sur la santé mentale et le bien-être d’une personne, d’autant plus si elle est habituée à avoir une vie sociale active et si elle a tendance à être plus souvent à l’extérieur du foyer qu’à la maison. Pour cette source de stress et d’anxiété, rester en contact étroit avec les personnes qui nous sont chères demeure l’un des meilleurs moyens pour arriver à se sentir mieux.

Il n’a jamais été aussi facile d’agir sur ce type d’anxiété que de nos jours avec la panoplie de moyens de télécommunication disponibles à notre portée. Si voir vos ami.e.s et vos collègues de travail, ainsi qu’avoir des conversations avec eux.elles vous manquent, vous pouvez toujours rester en contact ! Vous êtes inquiet.ète.s pour vos parents et vos grands-parents, alors n’hésitez pas à maintenir des liens avec eux et à les appeler ! Pouvoir s’entourer de gens aimants et conserver les contacts sociaux par temps de crise, ainsi que partager ses craintes et ses angoisses par rapport à la situation qui nous affecte tous et toutes, demeurent les meilleurs moyens de, non seulement montrer aux autres que nous pensons à eux et que nous avons leur bien-être à coeur, mais également de diminuer notre propre anxiété par rapport à ce que nous ne pouvons contrôler.

Avec toute la technologie disponible de nos jours en seulement quelques clics, il n’a jamais été aussi facile de demeurer en contact avec nos proches et ce, malgré l’impossibilité de les voir en chair et en os. Les initiatives de 5 à 7 virtuels qui se multiplient auprès d’employé.e.s de certaines compagnies en sont un très bon exemple.

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Vivre enfermé.e avec les enfants et son conjoint.e au quotidien implique également son lot de stress. Il est important d’expliquer à tous les membres de la famille les raisons qui ont poussé à l’instauration de ces mesures de distanciation sociale dans la province et dans le monde (la fermeture des écoles, des cégeps et des universités, le télé-travail, l’isolement, etc.). Si vos enfants sont anxieux et que vous ne savez pas très bien comment leur expliquer la situation, la Dr. Geneviève Beaulieu-Pelletier (PhD), psychologue clinicienne, et le Dr Frédérick L. Philippe (PhD), professeur-chercheur de psychologie à l’UQAM, ont mis au point ce guide pour vous aider à trouver les mots justes.

Sur les stress sanitaire et psychologique

Concernant le stress sanitaire lié à cette crise, il est important de garder en mémoire que le taux de létalité de la COVID-19 se situe, en moyenne, entre 3 et 4%. Si vous l’attrapez, vos chances de vous en sortir demeurent beaucoup plus grandes que celles d’en périr. Cependant, c’est son taux de propagation et de contagion faramineux qui est le réel problème et qui apporte de nombreuses craintes au sein des diverses sociétés mondiales, car les besoins d’hospitalisation sont très importants par rapport au nombre de personnes infectées.

Pour diminuer ce type de stress, outre le fait de bien se laver les mains (comme nous l’a expliqué le Dr. Arruda à maintes reprises), il est conseillé de réduire l’exposition aux mauvaises nouvelles concernant la COVID-19. En effet, depuis quelques jours, voire même des semaines, il n’est plus question que de cette crise dans tous les articles relayés par les grands journaux, et cela est non sans peser son poids dans la fragile balance de notre santé mentale. Se déconnecter des réseaux sociaux et des nouvelles pendant quelques heures dans la journée permet de maintenir un certain équilibre et est même très recommandé par les psychologues.

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Notre routine quotidienne se voit également chamboulée par l’obligation de demeurer à la maison. Dans ce contexte, garder une routine qui est propre à soi et à sa famille est primordial pour passer au travers de cette crise. Ainsi, conserver ou bien instaurer de nouvelles saines habitudes de vie et une routine dans son quotidien, telles que bien s’alimenter, faire de l’exercice, avoir une bonne nuit de sommeil, prendre des marches -seul.e.s ou à bonne distance, est la clé pour diminuer l’anxiété que l’on pourrait ressentir dû à cette situation.

Ce moment difficile peut également être perçu comme une période d’apprentissage de la lenteur et de la douceur à l’égard de soi et des autres. Il peut être une occasion pour prendre davantage soin de nous et de notre santé mentale, ce qui pouvait parfois être difficile à réaliser dans le monde effréné dans lequel nous vivions avant. Ainsi, ce temps de crise peut être un bon moment pour s’adonner à des activités qui nous apportent du bonheur et que nous avions délaissées par manque de temps, ou bien essayer de nouvelles activités et se découvrir des passions. Par exemple, vous avez toujours voulu faire de la courtepointe, mais vous ne trouviez jamais un moment pour débuter un projet ? Ou bien, vous ne preniez jamais le temps de cuisiner de longs repas par fatigue ? C’est maintenant l’occasion d’essayer toutes ces choses auxquelles vous aviez pensé et que vous n’avez jamais osé entamer.

Au-delà de toutes les réalités que nous imposent ce confinement non choisi, il demeure aussi important de s’accorder un moment pour se retrouver avec soi. Certes, s’adonner à de nouvelles activités peut aider à passer du temps de qualité avec soi, apprendre à mieux se connaître et développer sa créativité, mais pratiquer des exercices de relaxation, de pleine conscience ou de yoga, ainsi que s’accorder des petits plaisirs et des moments de détente sont également des moyens que nous pouvons utiliser pour accepter davantage la situation qui s’impose à nous, et mieux vivre avec l’incertitude qu’elle amène.

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Pour terminer, le stress et les troubles anxieux ont un impact sur les habiletés d’une personne à bien fonctionner au quotidien; que ce soit à l’école, au travail ou dans diverses situations sociales. En temps normal, le rôle de l’anxiété est de nous permettre d’anticiper une menace afin de mobiliser nos ressources pour prendre action et survivre à celle-ci. Bien que l’anxiété soit une réponse adaptative face à une certaine menace, elle peut également devenir un problème et une source de souffrance, et c’est alors qu’elle peut devenir paralysante.

L’anxiété peut prendre diverses formes chez une personne, mais les symptômes que l’on retrouve le plus souvent sont : plus de fatigue et d’irritabilité, un sentiment d’être plus agité.e ou d’avoir la sensation “d’être à bout”, plus de difficultés de concentration, des tensions musculaires, ainsi que vivre des perturbations du sommeil (DSM-5). Bien sûr, nous pouvons vivre certains de ces symptômes sans que l’on n’ait nécessairement un problème d’anxiété, surtout avec la situation hors de l’ordinaire que nous vivons en ce moment.

Pour tenter de diminuer notre anxiété et de se sentir mieux par temps de crise, il importe de comprendre pourquoi nous vivons les sentiments négatifs qui nous assaillent et favoriser ce que nous pouvons faire, et qui est en notre pouvoir, pour améliorer notre santé mentale et passer au travers de la crise sociale et personnelle que nous traversons actuellement. Rappelez-vous que cette situation affecte tout le monde et que cette crise peut être l’occasion de travailler sur soi et de renouer contact avec les êtres chers.

Si votre mal-être persiste et que vous vous sentez complètement découragé.e, il est toujours possible de consulter un.e psychologue en personne, par téléphone ou par vidéoconférence. Veuillez noter qu’il vous est toujours possible de trouver un.e professionnel.le en santé mentale à l’adresse suivante : https://www.ordrepsy.qc.ca/.

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