Tribune. La secrétaire au Trésor de l’administration Biden, Janet Yellen, concluait sa déclaration sur les propositions américaines pour une refonte de la taxation des multinationales par ces mots : « We want to change the game. » Il s’agit d’un revirement spectaculaire et d’une opportunité unique pour une réforme ambitieuse de la fiscalité internationale.
Les règles du jeu doivent, en effet, changer. Le jeu dont on parle est celui de l’évitement fiscal de nombreuses entreprises multinationales, qui exploitent les lacunes et la complexité des systèmes juridiques et fiscaux, et le manque de moyen des administrations fiscales, pour transférer leurs bénéfices vers des juridictions où les impôts sont faibles ou nuls.
Les conséquences de ces pratiques sont multiples. Les pertes de recettes fiscales pour les gouvernements sont considérables et évaluées, pour la France, entre 13 et 18 milliards d’euros chaque année. Cet évitement fiscal n’est pas limité aux entreprises américaines du numérique, les multinationales françaises réduisent aussi leur imposition grâce aux paradis fiscaux. Ces pratiques ont induit une concurrence fiscale entre pays, en particulier en Europe, pour attirer la base taxable des multinationales par de simples jeux de transfert de profits sans aucun bénéfice économique associé. Elles nivellent par le bas la taxation des profits, ce qui pèse fortement sur nos finances publiques et conduit à reporter la charge fiscale sur le travail et la consommation.
Sentiment d’injustice
Ces pratiques des grandes multinationales faussent aussi le jeu de la concurrence en favorisant l’émergence d’industries concentrées avec quelques entreprises contrôlant des marchés considérables. Enfin, l’optimisation fiscale agressive érode la confiance du public, mine le consentement à l’impôt et creuse le sentiment d’injustice et de ressentiment d’une grande partie de nos concitoyens.
Un accord sur une réforme de la taxation des multinationales ne peut se faire sans les Américains. Le verrou posé par l’administration Trump vient de sauter et la France et l’Europe doivent se saisir de cette ouverture pour conclure, à brève échéance, un accord de portée historique. Nous nous plaignons, à juste titre, de ce que la règle de l’unanimité dans l’Union européenne empêche de mettre fin au dumping fiscal. Un accord à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), avec l’aide des Américains, permettrait de surmonter cet obstacle. Ne manquons pas cette occasion.
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