Opinion : Tests de dépistage rapides antigéniques

L'outil manquant pour un déconfinement sécuritaire

Contre toute attente, la troisième vague a été mieux maîtrisée au Québec relativement à d’autres provinces ou d’autres pays. Malgré la menace des variants plus contagieux, grâce à l’excellent travail des équipes de santé publique et à la très bonne adhérence de la population aux mesures sanitaires, les indicateurs épidémiologiques et la surcharge hospitalière s’améliorent de semaine en semaine.

L’excellente réponse de la population à l’invitation d’aller se faire vacciner est également un facteur déterminant qui nous conduira vers un allègement des mesures au Québec prochainement. Selon la modélisation de l’Agence de santé publique du Canada, si 75 % de la population a reçu une première dose, et 20 % a reçu deux doses de vaccin, alors nous pourrons alléger graduellement les mesures sans impact sur le système de soins de santé.

Le Québec approche de ces cibles proposées par l’Agence de santé du Canada avec près de 50 % de la population ayant reçu une première dose et près de 5 % de la population ayant reçu deux doses.

La situation à l’étranger est également empreinte d’espoir. L’Angleterre a rouvert ses terrasses de cafés, pubs et restaurants après avoir dépassé 50 % de la population ayant reçu une première dose. Mais l’Angleterre a ajouté un outil essentiel à son coffre à outils : les tests de dépistage rapides antigéniques.

Les tests de dépistage rapides antigéniques

Les tests de dépistage rapides antigéniques sont très simples d’utilisation au point que de nombreux pays les ont approuvés pour l’auto-administration, y compris par des écoliers du primaire en Autriche notamment. Ils permettent de détecter avec une très grande fiabilité les individus infectieux et en particulier les super propagateurs (c’est-à-dire avec une charge virale très importante) dans leur phase d’hypercontagiosité.

Les tests de dépistage rapides antigéniques ne sont pas appropriés pour le diagnostic de la maladie, mais permettent de dépister les super-propagateurs, qu’ils soient symptomatiques ou asymptomatiques, et d'éviter qu’ils ne se présentent dans des espaces clos.

Ces tests complètent les tests PCR, car ils permettent de mettre en place une stratégie de dépistage et de prévention, très utile en santé publique et simultanément de responsabiliser et d’impliquer la population activement dans le processus de limitation de la transmission.

Ils sont particulièrement intéressants lorsqu’ils sont utilisés de manière régulière afin d’identifier des personnes qui sont porteuses du virus et en période de contamination. Le gouvernement de l’Angleterre a distribué gratuitement à la population des tests rapides antigéniques et lui a demandé de s’autotester deux fois par semaine. Ainsi, en complément d’un rythme de croissance de la vaccination, la population anglaise se responsabilise en s’autotestant et le gouvernement augmente les chances d’un déconfinement plus sécuritaire pour éviter des éclosions.

Qu’en est-il au Québec ?

Alors que plusieurs pays et provinces canadiennes ont facilité l’accès aux tests rapides antigéniques, le Québec exige toujours que ces tests soient réalisés par un professionnel de la santé. Pourtant, ces tests sont aussi simples d’utilisation que les tests de grossesse. Il s’agit de se passer un écouvillon au bord du nez ou dans la bouche et de mettre cet écouvillon dans une solution. Ensuite, quelques gouttes de cette solution sont versées sur un petit boîtier en plastique – le test proprement dit – similaire à un test de grossesse. Finalement une ou deux lignes apparaissent suivant le résultat positif ou négatif du test. Ces étapes prennent moins de 15 minutes.

Imposer que le test soit réalisé par un professionnel de la santé constitue une barrière qui devra être levée pour permettre à la population québécoise de se responsabiliser face à la gestion de la pandémie.

Ces tests pourraient même être distribués gratuitement à toute la population québécoise qui devrait être invitée à s’autotester régulièrement avant une activité avec un risque potentiel de dissémination du virus. Réaliser un test antigénique, par exemple, en milieu de travail, dans les gyms, à l’école et à l’université, au restaurant ou lors d’activités culturelles ou de loisirs, etc., peut changer significativement les risques de voir des éclosions survenir en complémentarité de la vaccination. Les tests de dépistage antigéniques rapides sont un outil essentiel à l’allègement des mesures, à la relance économique et plus particulièrement des secteurs du tourisme, de la restauration et de la culture.

La société québécoise peut être fière de son succès dans la gestion de la troisième vague. Grâce à la vaccination qui se déroule très bien, la population peut aspirer à un relâchement des mesures cet été. Pour que les allègements des restrictions se passent de manière sécuritaire, et pour éviter une augmentation de la transmission lors de ce relâchement qui conduirait à un retour en arrière, il est essentiel de mettre toutes les chances de notre côté en ajoutant les tests de dépistage rapides antigéniques à notre stratégie reconnue comme une bonne pratique basée sur les données probantes dans le domaine.

Appliquons le principe de précaution en contexte de mutation du virus et de variants plus contagieux et rendons ces tests accessibles à la population. Cela est d’autant plus important que la majorité de la population n’aura reçu qu’une seule dose de vaccin qui n’offre pas une immunité complète et que les enfants n’y ont pas encore accès. En attendant que le processus d’administration de la deuxième dose soit accéléré, ajoutons les tests de dépistage antigéniques rapides à notre stratégie de déconfinement pour impliquer la population et ainsi diminuer les possibilités d’éclosion au cours de l'été et lors de la rentrée.

*Cosignataires : Jean Rochon, consultant, ex-ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec ; André Veillette, professeur à la faculté de médecine de l’Université de Montréal ; Nathalie Grandvaux, professeure à la faculté de médecine de l’Université de Montréal et codirectrice du Réseau québécois COVID-Pandémie ; David Juncker, professeur à la faculté de médecine et des sciences de la santé, Université McGill ; Richard Marchand, microbiologiste à l’Institut de cardiologie de Montréal ; François Audet, professeur à l’École des sciences de gestion de l’UQAM et directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal ; Nicolas Doucet, professeur au Centre Armand-Frappier santé biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Thomas Poder, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal ; Maude Laberge, professeure à la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval ; Louise Potvin, professeure à l’École de santé publique, Université de Montréal, et directrice scientifique du Centre de recherche en santé publique ; Bryn Williams-Jones, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal ; Jason Guertin, professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval ; Vardit Ravitsky, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

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