En route vers la COP26, le journaliste spécialisé en environnement Étienne Leblanc présente une série de quatre entrevues avec des sommités dans le domaine du climat. Voici le dernier entretien de quatre.
La Chine, une civilisation écologique
?
C’est la vision promue par l’ex-président chinois Hu Jintao en 2007, au 17e congrès national du Parti communiste chinois. Déjà préoccupé par les problèmes environnementaux de son pays à l’époque, il voulait brasser la cage.
Son successeur, Xi Jinping, a d’ailleurs fait inscrire ce concept dans la Constitution chinoise.
Après son arrivée au pouvoir en 2013, Xi en rajoute : Le développement de la civilisation écologique chinoise est sur une voie rapide. Le peuple vivra dans un meilleur environnement avec un ciel bleu, des montagnes vertes et une eau claire.
De ciel bleu, Guy Saint-Jacques n’en a pas vu souvent lors de son séjour à Pékin en tant qu’ambassadeur canadien en Chine, entre 2012 et 2016. Il y avait des matins sans soleil où on mangeait la pollution pour déjeuner!, dit l’ancien diplomate. On pouvait la goûter dans notre bouche!
La source de cette pollution est bien connue : pour l’essentiel, les particules fines qui flottent dans l’air et qui perturbent les voies respiratoires des citadins proviennent de la combustion du charbon dans les centaines de centrales thermiques autour des villes chinoises.
Sans ce combustible fossile devenu la source énergétique la plus utilisée de la planète, le grand bond économique entamé en Chine à la fin des années 70 n’aurait jamais eu lieu.
Les chiffres à cet égard sont impressionnants et parlent d’eux-mêmes
, dit Guy Saint-Jacques.
Les chiffres
En 1973, les Chinois étaient responsables de 6 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Ils sont aujourd’hui les plus grands émetteurs de la planète, avec 27 % des émissions en 2019 (statistiques les plus récentes). Un chiffre qui va fort probablement augmenter en 2021 après le rebond économique qui s’opère avec la fin du confinement mondial.
En 2019, la Chine a émis plus de GES que tous les pays de l’OCDE combinés, ce qui comprend les 27 pays de l’Union européenne.
Depuis 1990, les émissions chinoises ont augmenté de 373 %.
Ça s’est accéléré depuis l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001
, rappelle Guy Saint-Jacques.
Résultat : les centrales au charbon chinoises sont aujourd’hui responsables à elles seules d’un sixième de toutes les émissions mondiales. Dans le monde, 15 % de tous les GES proviennent de l’utilisation de ce combustible fossile en Chine.
Le charbon fournit plus des deux tiers de l’énergie en Chine. Et la tendance ne s’essouffle pas : de tous les projets de centrales au charbon en développement dans le monde en 2020, les trois quarts (76 %) se trouvent en Chine.
À l’heure actuelle, les Chinois ont dans le collimateur 247 gigawatts de centrales au charbon en construction ou en voie de l’être, soit l’équivalent d’environ sept fois la capacité énergétique hydroélectrique de tout le Québec.
Une croissance qui va dans le sens contraire de ce que prescrit la très conservatrice Agence internationale de l’énergie (AIE). Dans un récent rapport, l’organisation appelle tous les pays à renoncer à tout nouveau projet d’énergie fossile, afin de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius.
On aura compris que, pour l’instant, la Chine ne suivra pas ces recommandations.