Pressions citoyennes en faveur des Palestiniens
Point de vue diplomatique, 18 mars 2024, François LaRochelle
La guerre à Gaza est une catastrophe humanitaire d’une ampleur peu commune. Les médias nous montrent sur une base quotidienne des scènes de destructions et de malheurs humains difficiles à imaginer. On parle de famine chez les Palestiniens.
Cette crise a pour conséquence de sérieusement ternir l’image d’Israël sur la scène internationale. Et ce n’est sans doute pas fini quand on réalisera l’étendue précise des dégâts humains et matériels une fois ce conflit terminé, et que l’accès au territoire gazaoui sera possible pour les organisations internationales et aux médias.
En revanche, cette terrible tragédie a stimulé le lobby pro-palestinien chez nous et ailleurs. On le voit désormais mieux organisé et plus efficace. Ses dirigeants ont compris qu’il fallait mobiliser les opinions publiques, toutes confessions confondues, mais surtout mettre la pression sur les politiciens à la recherche de votes.
Au Canada, des manifestations en appui aux Palestiniens se déroulent régulièrement à Montréal, Toronto et Ottawa.
Aux États-Unis, il se sert du poids démographique de la communauté d’origine arabe dans certains États comme le Michigan et le Minnesota pour faire pression sur l’administration Biden. L’approche des élections présidentielles est un puissant incitatif. Le mouvement a su utiliser des événements comme le discours sur l’état de l’Union au Congrès à Washington le 7 mars dernier, pour manifester en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza ou même plus récemment lors de la très chic soirée des Oscars à Hollywood.
Ces opérations et d’autres semblent avoir un impact, bien que limité. On constate une inflexion du gouvernement américain, plus critique à l’égard du Premier ministre Nétanyahou, appelant à la protection des civils et organisant l’envoi d’aide humanitaire.
Au Canada, des manifestations en appui aux Palestiniens se déroulent régulièrement à Montréal, Toronto et Ottawa. Peut-être ont-elles contribué à la reprise des contributions financières du gouvernement canadien à UNRWA et à notre participation annoncée au convoi maritime prévu pour soulager les souffrances du peuple palestinien.
Aux Pays-Bas, l’inauguration d’un Musée de la Shoah à Amsterdam et la présence du président israélien pour l’occasion ont provoqué des protestations faisant des liens entre ce qui s’était passé pendant la Seconde Guerre mondiale et ce que l’on voit maintenant. Il y a quelques semaines, un tribunal avait mis fin à des exportations de matériel militaire néerlandais pour Israël.
On note la coordination et l’efficacité de ces groupes de pression. Au Canada par exemple, les communautés arabes et musulmanes avaient tendance à se diviser en fonction des pays d’origine. La guerre à Gaza semble avoir changé cela. Mais il leur faudra éviter que, comme d’autres mouvements « spontanés » favorisés par les médias sociaux, celui-ci perde de sa vigueur avec le temps. Particulièrement dans la perspective de changements possibles à la présidence des États-Unis et de premier ministre au Canada, peu propices à des développements positifs pour les Palestiniens.
Le mouvement en faveur des Palestiniens doit aussi s’assurer que les promesses de nos leaders sur la solution des deux États, Palestine et Israël, se concrétisent rapidement. Il n’y a plus de temps à perdre dans des tergiversations et des négociations sans fin.
Les démarches citoyennes continueront d’être nécessaires sur nos dirigeants pour qu’à l’avenir ils soient plus circonspects quant à la livraison de matériel militaire à Israël et qu’ils aillent au-delà des discours pour faire respecter le droit humanitaire international et la fin des colonisations illégales en Cisjordanie.
Le mouvement en faveur des Palestiniens doit aussi s’assurer que les promesses de nos leaders sur la solution des deux États, Palestine et Israël, se concrétisent rapidement. Il n’y a plus de temps à perdre dans des tergiversations et des négociations sans fin. Alors qu’une nation s’en prend régulièrement aux institutions des Nations Unies, organisation qui a pourtant contribué en 1947 à la création d’Israël, et qu’elle bafoue les normes humanitaires les plus élémentaires, le rôle de l’opinion publique, surtout en période électorale, peut clairement servir la paix.
Mais cela ne pourra compenser le comportement de nos gouvernements, qui à la lumière des événements des 5 derniers mois à Gaza, a renforcé l’accusation de pays du « Sud global » que les démocraties faisaient une application variable du droit international et des droits de la personne, en fonction de leurs intérêts. Un constat du « deux poids, deux mesures » qui semble malheureusement se confirmer et qui nous hantera pour longtemps.
François LaRochelle est fellow de l’Institut d’études internationales de Montréal. Au cours de sa carrière de diplomate il a notamment été en poste à Damas et au Liban (1990-1993) et affecté deux fois au Caire, entre autres comme Chef de mission adjoint (2003-2006). Il a occupé diverses fonctions à l’administration centrale à Ottawa, incluant au Bureau du Conseil Privé-Secrétariat de la politique étrangère et de la défense.
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