
L’IEIM vous présente Touwendé Roland Ouédraogo, candidat au doctorat et chargé de cours au département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM)
Ce texte souligne notamment l'impact de la crise COVID-19 sur les étudiants internationaux, 19 avril 2020
« Si le Congo obtient l’organisation de la COP 27 en 2021, il sera intéressant de voir si un bloc africain émerge pour soutenir la visibilité du continent dans la protection de l’environnement »
Loin de son pays natal, le Burkina Faso, Touwendé Roland Ouédraogo poursuit un doctorat en droit international à l’UQAM, où il enseigne également. Dans le contexte de crise sanitaire due au coronavirus et ne pouvant pas quitter le Canada, les étudiants internationaux sont les grands oubliés de cette pandémie, comme le rappelait récemment Agnès Bethelot-Raffard, professeure associée à l’UQAM. Jeune père de famille, Roland confie que cette situation de confinement présente quelques contraintes : « il est difficile de m’isoler à la maison et de retrouver un rythme d’écriture soutenu pour l’avancement de ma thèse. Les nuisances sonores sont nombreuses, comme par exemple les dessins animés et jouets de ma fille. Malgré la crise, j’envisage tout de même de respecter mon échéancier et ainsi déposer mon manuscrit au milieu de l’année prochaine ».
Au fil de ses expériences de mobilité internationale, dans le cadre académique et professionnel, Roland Ouédraogo a développé une capacité d’adaptation qui témoigne de la richesse de son parcours. Titulaire d’une licence en droit public de l’Université Ouaga 2, Roland conserve un souvenir intact du Professeur Amidou Garané qui lui enseigne en première année le cours « Institutions internationales » : « en nous présentant de manière un peu caricaturale et simpliste la distinction entre la doctrine (composée selon Garané des enseignants et professeurs) et la jurisprudence (représentée par la figure du juge), j’ai compris inconsciemment que je désirais davantage contribuer à la doctrine aux côtés des universitaires. De là est née aussi ma passion de l’enseignement ».
Après une maîtrise en droit des affaires, M. Ouédraogo quitte la capitale Ouagadougou pour rejoindre Genève, centre mondial de la diplomatie où siège l’Office des Nations Unies et la Croix-Rouge. C’est d’ailleurs au sein du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) que Roland complète sa spécialisation en droits humains et en droit international humanitaire. Sous la supervision de la conseillère juridique et politique principale du Haut-Commissaire, Roland Ouédraogo effectue une mission de veille stratégique et participe à la rédaction de notes sur divers sujets internationaux relatifs au respect des droits de l’homme. Arrivé en poste au mois d’août 2014, le jeune juriste a le privilège d’assister au passage de témoin entre deux Haut-Commissaires et relève à cet égard la dimension politique de la gestion des dossiers : « le mandat de la sud-africaine, Mme. Navanethem Pillay, se termine lorsque je commence mon stage et le prince jordanien M. Zeid Ra’ad Al Hussein la remplace. La personnalité du Haut-Commissaire influence nécessairement la manière dont sont traités les sujets ». Après son passage au HDCH, dans le cadre d’un stage dans une Organisation non-gouvernementale, il lui est demandé de rédiger une déclaration à la suite de l’examen périodique d’un État sur une situation d’atteinte aux droits humains. Un responsable lui avait alors dit : « Roland, les mots que tu emploies à propos de la condamnation sont un peu ‘forts’». Bien sûr, la déclaration de condamnation a été maintenue mais la forme, quelque peu assouplie ». En ayant participé aux sessions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, M. Ouédraogo retient également l’importance du langage corporel, les envolées parfois lyriques des représentants d’États ou encore le lobbying des organisations non-gouvernementales, ce qui compose en somme le jeu diplomatique.
Fort de cette expérience professionnelle et diplômé de deux maitrises à Genève, Roland envisage initialement de rester en Suisse et poursuivre un doctorat à l’université de Genève. Toutefois, les possibilités d’encadrement sont réduites à cause, entre autres, de multiples départs à la retraite. M. Roland Ouédraogo décide alors, suivant les conseils d’un ami, de soumettre son projet de recherche à des professeurs de l’UQAM. Deux d’entre eux, Lucie Lamarche et François Roch, ont conjointement accepté de diriger la thèse de Roland, intitulée « Le droit humain à un environnement sain en droit international : Analyse à la lumière de la pratique des états africains ».
C’est d’abord l’actualité et le constat des dérives liées l’exploitation des ressources en Afrique qui l’ont conduit à élaborer cette problématique au croisement du droit de l’environnement et des droits humains. Dans un récent article paru dans le Magazine Sans Frontières, Roland Ouédraogo démontre les spécificités africaines des préoccupations environnementales, en soulignant par exemple que l’Afrique demeure le continent qui a le plus inscrit ses préoccupations dans ses conventions et Constitutions. En la matière, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya) – entrée en vigueur le 21 octobre 1986 – fait figure de précurseur puisqu’elle représente le premier traité contraignant formalisant explicitement le droit à un environnement sain. En examinant notamment les pratiques législatives et jurisprudentielles des États africains, la thèse de M. Ouédraogo ambitionne de vérifier s’il existe effectivement une pratique générale et une opinio juris relative qui ferait de la reconnaissance du droit à un environnement sain, une règle de droit coutumier régional en Afrique.
Enfin, lorsqu’on l’interroge sur ses projets professionnels, Roland envisage en priorité une carrière académique mais n’écarte pas la possibilité de rejoindre, comme praticien du droit, le monde des institutions internationales qu’il connaît bien. Quant à un potentiel retour prochain au Burkina Faso, il est difficile pour Roland Ouédraogo et sa famille de se projeter tant la situation actuelle est incertaine. Depuis que la propagation de la COVID-19 s’est étendue à l’Afrique, il consulte avec inquiétude les dernières informations sur la gestion de la crise. Tandis que le nombre de décès dus au coronavirus s’élève dans ce pays à 38 morts (le 20 avril 2020), Roland souligne les failles du système de santé burkinabé en le comparant aux pays voisins, notamment la Côte d’Ivoire et le Ghana où les moyens sont plus importants. À titre d’exemple, un hôpital qui a été réquisitionné ne détient qu’une vingtaine de lits adaptés avec des respirateurs, ce qui signifie qu’en cas de nouvelles vagues de contaminations, les capacités seront dépassées. Ce sont aussi les capacités de dépistage qui sont remises en question tout comme la fiabilité des données officielles dans cette région d’Afrique de l’Ouest. Malgré le contexte difficile, Roland fait preuve d’un optimisme naturel et préfère se concentrer sur ses recherches qui le conduiront, très certainement, à une carrière internationale qu’il mérite amplement.