L’IEIM vous présente Stéfanie von Hlatky et Justin Massie, co-directeurs du Réseau d’analyse stratégique (RAS)
Le RAS est l’un des trois nouveaux membres de l’IEIM, 15 mars 2021
Le parcours personnel et professionnel de Stéfanie von Hlatky a été marqué par deux événements internationaux qui ont alimenté sa curiosité et défini son parcours académique : la chute du mur de Berlin en 1989 et, une douzaine d’années plus tard, les attentats du 11 septembre 2001. La professeure von Hlatky, qui enseigne aujourd’hui au Département d’études politiques de l’Université Queen’s, attribue son éveil en matière de politique internationale à la couverture médiatique de la chute du mur de Berlin, effectuée par sa mère qui y avait été affectée, à l’époque, en tant que réalisatrice pour Radio-Canada. « Lorsque ma mère est rentrée d’Allemagne avec un petit morceau du mur de Berlin », explique-t-elle, « et même si j’étais au primaire à ce moment-là, j’ai découvert un champ d’intérêt, qui s’est manifesté tout d’abord par un tas de questions ».
Plus tard, ce sont les attentats du 11 septembre, survenus pendant qu’elle était au baccalauréat à l’Université McGill, qui l’ont propulsée dans le domaine de la défense et de la sécurité, alors qu’elle songeait avant cela à se spécialiser en droit. Se remémorant le traumatisme vécu par la population américaine et les jeunes américain.e.s qu’elle côtoyait dans les salles de classe de McGill, Stéfanie constate qu’elle a assisté à un moment puissant au niveau de la solidarité internationale. « Il y a eu un changement fondamental dans la façon dont on réfléchit à notre rôle stratégique au Canada. Et puis, le fait de voir des gens de mon âge partir en Afghanistan en réponse au 11 septembre m’a profondément marquée et menée à des questionnements sur la sécurité internationale ». Ce fut, nous explique-t-elle, des années très mouvementées en matière de politique internationale, survenues au moment où elle commençait à développer ses capacités d’analyse en science politique. Témoignant de l’influence de ce catalyseur, la thèse de doctorat de Stéfanie, American Allies in Times of War, aborde la réponse du Canada, du Royaume-Uni et de l’Australie à la guerre en Afghanistan à la suite du 11 septembre.
En plus d’être professeure et chercheure, Stéfanie von Hlatky occupe également le poste de Lieutenant-colonel honoraire du Princess of Wales’ Own Regiment (Régiment de la princesse de Galles). Étant la seconde femme à accéder à ce rôle, elle constate qu’en dépit des mouvances sociales, le changement sur le plan de l’égalité des genres s’opère lentement. Le Canada fait bonne figure à l’international par rapport à la représentation des femmes, mais les inégalités systémiques perdurent. « Je suis reconnaissante d’avoir cette opportunité d’être une femme en uniforme, de représenter le régiment », nous confie-t-elle. « Lorsqu’on obtient des postes de leadership comme celui-ci, il faut vraiment apporter quelque chose de nouveau ».
Ce souci de renouvellement et d’égalité des genres dans le domaine de la sécurité se manifeste par la publication prochaine d’une autre monographie rédigée par Stéfanie, intitulée Deploying Feminism. Dans ce nouveau livre, qui est le fruit de trois ans de travail, l’auteure aborde la révolution féministe qui affecte le monde de la sécurité et de la défense, et nous présente son analyse des opérations militaires de l’OTAN au Kosovo, dans les pays baltes et en Irak selon une perspective de genre. Il s’agit d’une des réalisations professionnelles dont Stéfanie se dit très fière.
Quant à lui, Justin Massie, professeur au département de science politique à l’UQAM et co-directeur avec Stéfanie du Réseau d’analyse stratégique (RAS), se réjouit d’avoir mis sur pied ce réseau de recherche dont les retombées sur les étudiant.e.s et sur la production des connaissances perdureront pour de nombreuses années, « au-delà de mon rôle actuel ». Entièrement bilingue, et financé par le programme Mobilisation des idées nouvelles en matière de défense et de sécurité (MINDS) du ministère de la Défense nationale du Canada, c’est avec fierté que Justin et Stéfanie ont officiellement lancé le RAS en août 2020. Le réseau pancanadien compte déjà plus de quatre-vingts membres canadiens et collaborateurs internationaux.
Les co-directeurs du RAS se sont connus alors qu’ils étaient au doctorat, à l’époque où ils étaient tous les deux des boursiers de la Défense nationale. C’est dans le cadre d’un programme semblable à MINDS, le Forum sur la sécurité et la défense (FSD), qu’ils ont pu constater l’importance d’intégrer un réseau de jeunes chercheur.e.s dans ce milieu, tant sur le plan de la socialisation, mais aussi en ce qui a trait à l’accès aux praticien.ne.s et aux interlocuteur[trice]s de la défense. Le programme FSD a été coupé en 2011, mais le gouvernement Trudeau a lancé en revanche l’initiative MINDS, dont l’un des objectifs est la création d’un réseau de recherche rejoignant au moins trois régions géographiques canadiennes afin de sortir des logiques de concurrence universitaire. « Ce projet permettra en un premier temps de redonner aux futur.e.s étudiant.e.s ce dont Stéfanie et moi avons pu profiter », explique Justin. « Dans un deuxième temps, étant bilingue, le RAS élèvera le débat sur les questions de défense en français ». La réduction du cloisonnement linguistique qui caractérise la recherche dans le domaine de la défense et de la sécurité est d’ailleurs l’une des préoccupations du réseau.
Comme Stéfanie, Justin nous révèle qu’un événement mondial a déclenché son intérêt en matière de relations internationales, soit la guerre du Golfe persique, suite à l’invasion du Koweït par l’Irak. Il se souvient d’ailleurs d’une simulation effectuée alors qu’il était toujours étudiant au cégep, au cours de laquelle il avait été amené à s’approprier le cas de l’Irak et de la négociation du règlement du conflit. Après un passage dans les forces armées et des études entamées au Collège militaire royal du Canada, Justin est arrivé au constat que ce qui l’intéresse réellement, c’est la recherche dans le domaine des conflits. Il était au baccalauréat à l’UQAM au moment où la guerre en Irak s’est produite, et son travail de recherche sur le refus du Canada d’y participer a suscité l’intérêt de son professeur Stéphane Roussel, aujourd’hui devenu un fidèle ami, co-auteur et collègue. « Il m’a offert un contrat de recherche, mon premier emploi qui avait un lien avec ce qui m’intéressait, et après je ne l’ai plus lâché pour qu’il me donne des contrats ! » avoue-t-il en riant.
Songeant aux tendances en matière de sécurité qui sont susceptibles de soulever de nouvelles questions de recherche, Justin constate que la COVID-19 a accéléré certains phénomènes qui étaient déjà en cours — la montée du nationalisme et de l’extrême droite, le protectionnisme économique qui se manifeste notamment dans la course aux vaccins, et la démondialisation n’en sont que quelques exemples.
Les grands défis de sécurité auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ne sont pas des défis nationaux, ce sont des défis globaux, et certaines de ces tendances ont comme impact de freiner de plus en plus la collaboration à l’échelle mondiale.
En parallèle, la pandémie révèle certaines faiblesses au niveau de la résilience du Canada, lesquelles pourraient être accentuées par d’éventuelles coupures au budget de la défense, qui ont tendance à suivre les périodes de déficit budgétaire. En temps de crise, la résilience du Canada dépend de sa capacité de subvenir aux besoins des populations par l’assistance aux autorités civiles. « Si on a de multiples inondations, des feux de forêts, et en même temps d’autres catastrophes qui mobilisent l’armée, sera-t-on aussi résilient qu’on le pense ? » s’interroge-t-il.
La mutation rapide du contexte mondial est sujette à entraîner un foisonnement de questions comme celle-ci, et c’est ainsi que l’IEIM est fier de s’adjoindre les expertises de Justin Massie, de Stéfanie von Hlatky et du RAS.