Portrait de l’IEIM

L’IEIM vous présente Mirja Trilsch, professeure au Département des sciences juridiques de l’UQAM et directrice de la CIDDHU

La CIDDHU célébrera cette année son 15e anniversaire, 25 octobre 2021

Mirja Trilsch est professeure de droit international à l’UQAM depuis 2011, où elle était auparavant chargée de cours. Elle est aussi directrice de la Clinique internationale de défense des droits humains (CIDDHU), unité constituante de l’IEIM, qui célébrera cette année son 15e anniversaire.

Mirja Trilsch a les droits humains au cœur. Sa participation à un concours de plaidoirie, en tant qu’étudiante, est un premier déclic : il s’agit de prendre position « pour les droits de quelqu’un ». Elle effectue ensuite son stage du barreau auprès du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, et continue de s’intéresser aux droits humains dans le cadre de sa maîtrise à McGill en droit comparé.

Ce qui m’a beaucoup animée, ce sont les histoires derrière… le vécu humain derrière tout ça.

Aujourd’hui encore, c’est ce qui guide sa pratique – ce qui se passe quand un droit n’est pas respecté : «C’est important de raconter ces histoires-là. C’est ça qui va faire comprendre aux gens les injustices». Elle ajoute : «De travailler sur le droit sans me préoccuper des injustices que je vois, je pense que je n’aurais pas trouvé ça très satisfaisant. Si je vois une injustice, j’ai envie de réfléchir à ce qu’on peut faire pour y remédier.»

Reflet de son propre parcours, Mirja Trilsch souligne ainsi l’importance de former les étudiants et étudiantes à la diversité des pratiques du droit international :

La défense des droits, quand on est juriste, ne consiste pas seulement à s’adresser aux tribunaux. Cela peut passer par l’éducation, par le plaidoyer, par des campagnes dans les médias sociaux…

La CIDDHU répond directement à cet objectif. C’est la première clinique d’enseignement clinique relativement à la promotion et à la protection des droits humains, dans la francophonie. Pensée avec et pour les étudiant.e.s, elle fonctionne essentiellement sous la forme d’un cours clinique – « comme une petite ONG en matière de défense des droits humains ». Elle permet à des étudiant.e.s de travailler sur des projets construits sur « un modèle d’échange » avec les organismes partenaires : il s’agit de « comprendre leurs stratégies et d’agir en fonction de ces stratégies-là ». La CIDDHU ne poursuit pas ses propres initiatives : elle intervient « en soutien des organisations de la société civile, qui connaissent le mieux leurs luttes, les enjeux, la réalité sur le terrain ».

On est là pour élever les voix des autres. Pour dire : voici ce que j’ai comme ressources, comme connaissances. Comment je peux être un atout à tes luttes? Plutôt que de lutter à la place des personnes concernées.

Mirja Trilsch insiste à ce titre sur l’importance de la collaboration et de la transdisciplinarité et défend la « complémentarité » des pratiques – avec des sociologues, plus souvent avec des travailleurs sociaux. Ce sont ceux qui travaillent « le plus près des personnes en situation de vulnérabilité, qui connaissent le mieux la réalité ».

Collaborer, c’est la combinaison idéale pour faire changer les conditions sur le terrain.

Plusieurs projets récents soutenus par la CIDDHU ont été particulièrement porteurs. Elle cite un travail de recherche engagé à partir de 2014 à Montréal, sur un enjeu crucial : la non-admissibilité à la RAMQ d’enfants citoyens canadiens, nés de parents migrants. Médecins du monde a lancé une campagne pour faire changer ces pratiques, en travaillant entre autres avec Amnistie internationale. La loi a finalement été récemment modifiée, aboutissant à de meilleures conditions de vie pour les familles. Autre succès, un projet dénonçant la violence aux femmes et aux filles, co-construit avec une ONG de défense des droits humains à Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Au démarrage du projet, le pays est le 3e pays avec le taux de viols le plus élevé dans le monde, rapporté à sa population. La CIDDHU a documenté la violence contre les femmes, puis envoyé aux Nations-Unies le premier rapport parallèle sur le pays. Peu après la sortie du plaidoyer, la loi sur la violence conjugale a été modifiée – même si la mise en œuvre de la loi reste à faire.

C’est souvent ça, la défense des droits humains. On fait deux pas en avant, un pas en arrière… les choses ne changent pas du jour au lendemain.

Mirja Trilsch cite aussi des formations – notamment une, récente, conduite auprès d’un groupe de femmes travaillant dans des coopératives en Côte d’Ivoire. Il s’agissait de diffuser la connaissance juridique, mais aussi de renforcer les capacités des personnes – leur « montrer qu’elles ont des droits et qu’elles ont le droit de revendiquer ces droits-là ». L’opérationnalisation des droits est d’ailleurs au cœur des travaux de Mirja Trilsch, qui avait déjà réalisé sa thèse sur la justiciabilité des droits économiques et sociaux. Aujourd’hui, en tant que constitutionnaliste, elle déposera sous peu une demande de financement avec un réseau de chercheurs et des membres de la société civile, sur ce même sujet.

Mirja Trilsch est enfin une des représentantes de l’UQAM auprès de l’initiative Scholars at Risk (SAR), un réseau d’universités directement lié à la défense de la liberté académique et des droits humains. L’UQAM a accueilli son premier chercheur SAR, de 2019 à 2021, au sein de la Faculté des communications et la Faculté de science politique et de droit. Actuellement, le réseau reçoit de nombreuses demandes en provenance d’Afghanistan. Elle travaille également sur des initiatives étudiantes, notamment « Scholars in Prison », dont l’objectif est de conduire des actions qui pourraient contribuer à la libération d’un.e chercheur.e injustement incarcéré.e en connexion avec ses activités de recherche, par exemple, Patrick Zaki.

Quant aux grands chantiers de recherche qui occuperont la relève en recherche, elle en entrevoit deux. Selon elle, les changements climatiques vont avoir un tel impact sur les droits économiques et sociaux, qu’il va y avoir une sorte de jumelage qui devra être fait entre les personnes qui luttent pour les droits humains, et celles qui travaillent à la défense de l’environnement. L’autre sujet serait la tension qui semble se développer, notamment dans les pays occidentaux, entre le droit à l’égalité et le droit à la liberté d’expression. « Dans ces écarts, il pourrait y avoir des violations des droits humains », dit-elle.

Quel serait son message aux étudiant.e.s de la communauté universitaire, aujourd’hui?

Il faut s’informer du point de vue de ceux qui ne sont pas du même avis que nous, […] qui interprètent aussi le droit autrement car le droit n’est pas statique, il n’a pas une seule signification : avec une opinion politique différente vient aussi une interprétation du droit différente. En fait, il faut « comprendre » ce qui empêche l’avancement de la cause que l’on défend.

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– Bernard Derome

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