L’IEIM vous présente Marco Munier, doctorant en science politique et récipiendaire d’une Bourse Banque Scotia-IEIM 2022

Il est également chercheur émergent au RAS, 16 mai 2022

On échange avec Marco, actuellement en déplacement entre le Québec et la France. Français, il habite au Québec depuis 7 ans et a récemment obtenu sa résidence permanente. Avant cela, il travaillait au ministère de l’Intérieur, en France. « Être policier, ça a toujours été une vocation ». En parallèle du concours de la police nationale, il poursuivait aussi des études de psychologie à l’Université Paris 8, à distance.

« Je l’ai fait 5 ans, et puis je voyais qu’il me manquait quelque chose… ». Avec sa compagne, ils veulent partir à l’étranger, changer.

Je voulais continuer de faire des études, recommencer tout à zéro; entamer une nouvelle vie, dans un nouveau domaine. Ça n’a pas été facile de quitter un emploi stable pour l’inconnu, surtout que je n’ai pas de famille au Canada… Mais ça a été une très bonne expérience et je ne regrette pas du tout.

Le passage de la police nationale aux études doctorales se construit pas à pas, qui passe d’abord par une reprise d’études au baccalauréat. Au Canada, il avait d’abord postulé dans plusieurs disciplines : en anthropologie, en sécurité intérieure, en criminologie – « je suis curieux de nature! » – et en science politique. Il est accepté partout. Pour choisir, il se demande : « dans quel programme j’arriverai le moins à m’ennuyer ? ».

Où suis-je sûr de trouver quelque chose qui va me plaire sur le long terme ? En regardant les cours au Département de science politique de l’UQAM, il se dit qu’il trouvera « forcément quelque chose qui va [lui] plaire ».

La science politique lui semble assez vaste pour s’y retrouver – et retrouver les dimensions sécuritaires, psychologiques, qui l’intéressent également.

Au départ, il ne pense pas au doctorat. L’idée lui vient plutôt à la fin du baccalauréat en science politique – même si, reconnaît-il, son objectif a toujours été « d’aller le plus loin possible dans les études ». À la maîtrise, il lit quelques articles, un livre sur les études de renseignement – le Routledge Companion to Intelligence Studies -, qui le passionnent et le ramènent à « ses premières amours ». Il propose le sujet au professeur Justin Massie, qui accepte de le diriger sur le sujet.

En continuant ses lectures, il découvre qu’un angle en particulier est peu exploré : les cultures nationales de renseignement.

Son mémoire, une étude de cas sur le Canada, contribue grandement à la littérature existante.

Il continue en thèse avec l’impression de n’avoir pas encore fait le « tour du sujet ». À travers une étude de cas comparée, il cherche à établir comment les cultures nationales du renseignement, au Canada, en Italie et en Australie, évoluent en fonction de différents évènements. Les pays partagent des caractéristiques, dont des systèmes politiques semblables (parlementaires). Il s’agit aussi de trois puissances « moyennes », sur trois continents différents, qui font face à un environnement stratégique différent, ce qui en fait une comparaison plus prometteuse pour tester ses théories. La facilité d’accès aux données est également en jeu dans le choix de ses terrains. « En Australie, le renseignement est traité dans le débat public, dit-il, contrairement au cas français par exemple, où il est difficile d’accéder à de l’information ».

Il part de l’idée que les cultures nationales lui permettraient de mieux comprendre le fonctionnement du renseignement dans des pays donnés; mais aussi de contribuer à d’autres débats :

Comment orienter le débat; comment réformer, qu’est-ce qui est possible de faire ou non, en fonction de certains paramètres culturels ?

En ce sens, il cherche à impulser un mouvement vers une approche constructiviste dans le domaine des études de renseignement, encore limitée pour l’instant. Il rappelle que les Études sur le renseignement sont encore relativement conventionnelles et traditionnelles, avec un accent très marqué sur les recherches historiques, juridiques, organisationnelles et stratégiques. « Dans ce domaine, on a encore trop tendance à concevoir que le renseignement fonctionne partout de la même manière », souligne-t-il. « Pourtant, il existe des différences nationales dans l’organisation de la communauté de renseignement ou même dans ses fonctions ». Marco Munier explique ces différences en s’intéressant au contexte culturel dans lequel évolue le renseignement, qui oriente ses fonctions. Si d’autres avaient déjà commencé à s’intéresser aux cultures de renseignement depuis plusieurs années, son objectif était de produire une « conceptualisation rigoureuse de la culture nationale de renseignement, que j’ai d’abord illustré avec le cas du Canada ». En ce sens, son travail sur les cultures nationales du renseignement lui permet de traiter indirectement des pratiques et des réformes du renseignement.

Les sujets de recherche touchent souvent à une question fondamentale qui nous habite. C’est le cas aussi pour Marco Munier. « En fait, je m’intéresse à tout ce qui est questions sécuritaires et de défense ».

En tant que chercheur émergent au Réseau d’analyse stratégique (RAS), il suit l’actualité de près (l’un de ses mandats est de répondre aux évènements qui intéressent les domaines d’étude du réseau).

Le conflit russo-ukrainien l’intéresse particulièrement; les domaines du renseignement général s’y renouvellent énormément. On assiste à la matérialisation de coopérations internationales dans un contexte de montée de la multipolarité. Dans le même temps, «quel est le nouveau rôle du renseignement dans cette guerre-là ?».

Marco Munier remarque que, loin d’être « très secret » comme il avait pu l’être, on observe des Ministères de la Défense qui « dévoilent chaque jour des informations publiques sur l’avancée des troupes russes ». Cela leur permet aussi de « contrer certaines informations ». Ici, les cyberattaques et la propagation de fausses nouvelles touchent évidemment à ses sujets de recherche. « Cela fait partie de ce que les agences de renseignement doivent prendre en compte, donc j’y touche indirectement ».

Ce printemps, Marco Munier est récipiendaire d’une Bourse Banque Scotia-IEIM. Il avait également réussi à obtenir la bourse du FRQSC en 2021. « Avant ces bourses-là, je n’avais un revenu que grâce à mon directeur de recherche – en tant qu’auxiliaire d’enseignement et de recherche ». En outre, « en tant qu’étudiant étranger, l’accès aux bourses était compliqué, plus limité… ». Ces deux bourses lui ont vraiment permis de se « concentrer pleinement sur ses recherches, sur le volet académique. Cela inclut la thèse bien sûr, mais aussi d’autres recherches qu’il mène en parallèle.

Grâce à la bourse Banque Scotia-IEIM, Marco Munier compte utiliser une partie des fonds pour se rendre en Italie et réaliser les entretiens dont il a besoin dans le cadre de de sa thèse. « En personne, les langues se délient un peu plus ! ».

L’IEIM félicite l’ensemble des récipiendaires des Bourses-stages Banque Scotia-IEIM 2022! La remise des bourses aura lieu le jeudi 19 mai 2022. Elle sera suivie d’une conférence sur les perspectives de l’économie mondiale.

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