L’IEIM vous présente Issouf Binaté, directeur associé de la Chaire de recherche sur l’islam contemporain en Afrique de l’Ouest (ICAO)

Il est aussi enseignant-chercheur au Département d’histoire à l’Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), 27 février 2023

Arrivé dans le monde universitaire il y a 20 ans, Issouf Binaté n’en finit pas d’explorer. Comme il le dit lui-même :

« Depuis mes mini-mémoires puis ma rencontre avec le terrain, je n’ai pas arrêté de chercher ».

Enseignant-chercheur au département d’histoire à l’Université Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, Issouf Binaté propose des recherches sur des sujets relatifs à l’éducation islamique, au renouveau de l’islam soufi, aux ONG islamiques (inclue la présence turque) et la religiosité islamique en ligne en Côte d’Ivoire dans le contexte actuel de l’internationalisation des pratiques religieuses.

Ces projets l’amènent à devenir directeur associé de la Chaire UQAM sur l’islam contemporain en Afrique de l’Ouest (ICAO) depuis 2022, alors qu’il était engagé au sein du projet Islam in Africa in Global Context à l’Université de Floride, en tant que chercheur post-doctoral, et également Senior Fellow au Merian Institute for Advanced Studies in Africa (MIASA), basé à l’Université du Ghana.

L’une des particularités du parcours d’Issouf Binaté est la variété de ses intérêts de recherche et sa volonté de mettre en réseau les institutions académiques ivoiriennes et internationales. Entre 2013 et 2019, il a été chercheur invité au African Studies Centre à Leiden (Pays-Bas), à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris (France), au Department of African Studies and Anthropology de l’Université de Birmingham (Angleterre), ou encore au Leibniz–Zentrum Moderner Orient à Berlin (Allemagne), et à l’Institut français des études anatoliennes à Istanbul (Turquie). Depuis 2020, il est Fellow au Pilot African Postgraduate Academy qui regroupe 15 jeunes chercheurs africains à Point Sud à Bamako. Autant de projets, d’instituts et de rencontres qui résument bien le parcours du chercheur : entre curiosité, proactivité et dynamisme.

Alors qu’il pense d’abord s’engager dans une formation en science formelle afin de devenir médecin, Issouf Binaté se dirige finalement vers un parcours en histoire à l’Université de Cocody à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Intéressé par les sciences humaines, l’histoire lui semble être un choix cohérent, bien qu’il n’envisage pas encore l’idée de poursuivre ses études au troisième cycle. À l’occasion de son master entamé en 2005, il propose une première recherche tournée vers les circuits de formation des arabisants en Côte d’Ivoire. Cette expérience est difficile pour le chercheur en herbe qui se remémore les doutes qui l’envahissent à la suite de sa première soutenance :

« J’avais un choix à faire, soit j’abandonne face aux commentaires négatifs, ou alors je m’accroche ».

Près de 20 ans et de nombreux projets de recherche plus tard, on peut dire que le chercheur a eu raison de s’accrocher.

Dès son master, il cherche à se présenter à des colloques, à proposer des communications, tente de rencontrer des chercheur.es intéressé.es par la question de l’islam et de la religiosité en Afrique de l’Ouest notamment. Après avoir rencontré Marie Miran-Guyon, anthropologue de l’Institut des Mondes Africains (IMAF), il publie son premier article en 2007 avant même d’avoir soutenu son projet de thèse :

« J’étais habitué à lire les autres à la bibliothèque, et maintenant, je voyais des gens avec un livre où mon nom était inscrit dessus ! […] Alors que je n’avais pas terminé ma thèse, quatre de mes articles étaient publiés, dont un pour l’Oxford Islamic Study Online et un autre pour Islam et Société au Sud du Sahara, j’en perdais le sommeil ! »

Ce qui caractérise le plus l’approche du chercheur est certainement son dynamisme, sa volonté de voir plus loin que le projet dans lequel il s’investit, de penser l’après. Alors qu’il réalise ses études dans un contexte africain où il est difficile d’envisager travailler avec des universités étrangères, et à une période où l’accès à Internet n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui, il tente de franchir les frontières du monde de la recherche par des initiatives personnelles, des prises de contact, de nombreuses propositions de publication :

« En 2013 je rencontre pour la deuxième fois Benjamin Soares [anthropologue intéressé par les transformations des expressions religieuses en Afrique de l’Ouest notamment] à l’occasion d’un workshop organisé à Ouagadougou par Point Sud, à l’issue duquel il m’invite dans son institut African Studies Centre à Leiden.»

Issouf Binaté réalise ainsi son premier séjour en tant que chercheur-invité aux Pays-Bas.

Un autre des éléments les plus importants de la trajectoire de carrière d’Issouf Binaté est sans doute le lien unissant les personnes qui s’adonnent à la recherche, qu’ils soient chercheur.es ou étudiant.es. Selon lui en effet, son parcours se construit autour des grandes rencontres qui lui ont permis de ne « pas arrêter de chercher, de croire en soi ». C’est d’ailleurs l’enjeu qui continue de le porter aujourd’hui : donner la possibilité à une nouvelle génération de s’investir dans le monde académique, comme d’autres lui avaient donné la chance de se lancer dans la recherche, pour ne jamais la quitter.

Alors qu’Issouf Binaté est entouré par de nombreux académiciens spécialisés sur la question de l’islam en Afrique de l’Ouest, il rencontre Marie Nathalie LeBlanc, professeure du département de sociologie de l’UQAM, directrice de la Chaire ICAO et actuelle vice-rectrice de l’AUF en 2012, par truchement de Mathias Savadogo, historien de l’Université Félix Houphouët Boigny, son superviseur au master et à la thèse de doctorat. Après une première rencontre avec la chercheuse, elle lui propose rapidement de publier des résultats de ses recherches. « Ce qui a renforcé mon lien avec Marie Nathalie, c’est certainement ma réactivité, mon approche pro-active, mon regard sur les questions en amont : j’aime surprendre ». Quelques années plus tard, Marie Nathalie LeBlanc réalise des enquêtes de terrain à Bouaké en Côte d’Ivoire, tandis qu’Issouf Binaté y accueille une Université d’été. Elle l’invite en 2018 à participer à un projet de recherche portant sur la figure du marabout intitulé « Que sont devenus les marabouts ? Trajectoires occultes et changements sociaux en Afrique de l’Ouest ». C’est à cette même période que la Chaire ICAO prend forme, et c’est dans ce cadre que les deux chercheur.es entament une étroite collaboration. Pour Issouf Binaté, le travail réalisé à la Chaire ICAO est un succès : en effet, ils réussissent ensemble à construire un édifice proposant des projets de recherche, des formations et des conférences qui encouragent les activités de chercheur.es principalement basé.es en Afrique, s’intéressant à l’islam contemporain et à diverses formes et pratiques religieuses. Selon les mots du chercheur, la Chaire ICAO est avant tout la réussite d’un partage :

« Nous [les chercheur.es] produisons pour le monde. Nous pouvons être acteurs de changement. »

Si son parcours est un exemple de réussite et d’accomplissements en tout genre par la multiplicité des postes qu’il occupe, des liens qu’il tisse ou des publications qu’il propose, Issouf Binaté se rappelle aussi les difficultés auxquelles il a dû faire face et la résilience qui lui a été nécessaire pour trouver sa place dans le monde de la recherche universitaire.

Pour lui, la recherche a aussi été un moyen de faire face à la réalité des contextes économiques, politiques et sociaux qui entravent l’accès aux études supérieures, et rendent plus difficile encore de s’imaginer s’investir dans une carrière de chercheur.

« J’aimerais laisser un message pour ceux de ma condition sociale qui vivent en situation de crise : quand tu es chercheur, cela constitue de la matière, un moyen de trouver des éléments de réflexion pour sortir de la crise. Quand on a fermé les universités à cause de la Covid-19, il a fallu réinventer son espace, ses objets de recherche. Face à la contrainte de retourner en Turquie pour mon terrain, j’ai tout de suite décidé de prendre la Covid-19 comme sujet d’étude et l’espace numérique comme terrain afin d’apprécier les dynamiques religieuses apparues. Aujourd’hui, j’ai 3 articles qui portent sur le sujet. Il faut penser au-delà du poste salarié, aimer sincèrement la recherche. […] »

« Aujourd’hui, j’ai une grande fierté lorsque des étudiant.es de mon université ou d’ailleurs me demandent, à moi, de relire leur travail. Avec Zakaria Soré (Burkina Faso), Lamine Savané (Mali), Frédérick Madore (Canada), Gérard Amougou (Cameroun) et d’autres collègues, j’espère un jour réussir à capitaliser toutes ces expériences pour mettre sur pied un programme dédié aux jeunes chercheurs sur le continent. Les projets de Felwine Sarr et Achille Mbembé avec les ateliers de la pensée de Dakar, ou ceux du duo Mamadou Diawara et Elisio Macamo, initiateurs de Pilot African Postgraduate Academy, m’inspirent énormément à cet effet. »

Lorsqu’on l’interroge sur ses projets futurs, le chercheur n’a qu’une réponse, le sourire aux lèvres : « le ciel est ma limite, comme on dit. Je n’ai pas de frein à mes rêves. » Après avoir suivi un parcours en histoire, avoir été formé par des sociologues et anthropologues et s’être investi dans des activités de recherche portant sur l’islam, la religiosité, l’éducation ou encore sur les conséquences de la mondialisation, le chercheur sait qu’il a beaucoup à faire encore. Il nous rappelle qu’il désire plus que tout permettre à ses étudiant.es d’eux aussi s’investir pleinement dans la recherche universitaire, de surmonter les difficultés et franchir toutes les limites :

« Je veux qu’ils rêvent, eux aussi, de participer aux rencontres internationales sur les débats au centre des sciences sociales en Afrique. C’est à ce prix qu’on réussira ensemble à asseoir une culture de la recherche fondamentale chez nous ».

 

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