La thèse d’un fossé croissant entre les États-Unis et l’Europe sur les plans militaires et stratégiques est répétée avec tellement d’insistance depuis la fin des années quatre-vingt-dix que l’hypothèse d’un écart irrémédiable est aujourd’hui acceptée sans autre forme de procès par un grand nombre d’analystes : récemment encore, dans leur appel « pour le renouveau du partenariat transatlantique »1, Madeleine Albright et James Schlesinger écrivaient :
Le fossé qui ne cesse de se creuser entre les capacités militaires américaines et européennes rend plus difficiles coopération et interopérabilité en matière de défense transatlantique. Certains tenants européens des doctrines atlantistes vont même jusqu’à diagnostiquer un « effacement inexorable de la France » dans le domaine militaire [Lellouche 2002, p. 6]. Ce « gap » est, suivant les cas, technologique ou budgétaire ou capacitaire, mais toujours décisif.
Définir les moyens et l’horizon de l’Europe de la défense nécessite d’examiner d’abord la réalité de cette thèse : doit-on souscrire sans réserve à l’existence d’un tel écart irrémédiable ? Il faut également voir dans quel affrontement théorique et stratégique s’inscrit le discours sur le gap. Nous constaterons que l’enjeu revêt des dimensions insoupçonnées qui impliquent, en bout de ligne f, une rupture dans la vision du monde entre les États-Unis et l’Europe. (Suite dans le document joint)
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