Faire face à la crise de gouvernance en Haïti

Actualités UQAM, 28 novembre 2023

Au moment où une crise multidimensionnelle particulièrement grave sévit en Haïti, une équipe de recherche de l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM), composée d’experts haïtiens et canadiens, a dévoilé les conclusions d’une étude qui propose des pistes de réflexion et d’action afin de rétablir l’État de droit dans le pays. Le rapport de recherche de l’IEIM, intitulé «Mobiliser des acteurs non étatiques pour faire face à la crise de gouvernance en Haïti», a été présenté le 17 novembre dernier devant plusieurs dizaines de personnes réunies à la Maison du développement durable.

«C’est le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) qui nous a confié le mandat de mener cette étude, explique le professeur du Département de management François Audet, directeur de l’IEIM et de l’équipe de recherche. Notre rapport est le fruit d’une enquête de plusieurs mois et de plusieurs dizaines d’entrevues. L’objectif consistait à cartographier les principaux acteurs de la société civile haïtienne et à analyser leur degré d’influence et d’intérêt pour une concertation à grande échelle en vue d’élaborer des solutions de sortie de crise.»

Afin d’approfondir les conclusions de cette enquête, le CRDI a annoncé que la recherche se poursuivra au cours des trois prochaines années grâce à un financement de 400 000 dollars.

Une triple crise

Depuis quelques années, Haïti est confrontée à une triple crise, politique, économique et sociale. On constate d’abord une crise de gouvernance qui se caractérise, entre autres, par l’instabilité politique, la faiblesse et l’inefficacité des instances étatiques et la corruption à tous les niveaux de la gestion des affaires publiques.

«Cette crise s’est aggravée depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, rappelle François Audet. Les multiples changements de gouvernement et la contestation des élections, lorsqu’elles ont lieu (aucune élection n’a été organisée dans le pays depuis 2016), entravent la mise en place d’institutions durables, de politiques cohérentes et de stratégies de développement à long terme. Tout cela a entraîné une perte de légitimité des élus et alimenté la méfiance et le cynisme au sein de la population, notamment chez les jeunes.»

«Le pays est actuellement en mode survie et peine à organiser un débat démocratique sur son développement.»

– François Audet

Au niveau économique, la crise se traduit par un taux de chômage élevé, un taux d’inflation de près de 50 %, une précarité généralisée et une forte dépendance vis-à-vis de l’aide internationale. «L’économie informelle étant très répandue, l’État n’arrive pas à percevoir des taxes et des impôts, note le professeur. Aux problèmes économiques s’ajoutent une faible capacité d’adaptation aux changements climatiques et une vulnérabilité accrue aux catastrophes naturelles, telles que les tempêtes tropicales.»

Sur le plan social, les enjeux de sécurité prédominent, surtout depuis le séisme de 2010. «Des gangs criminels armés agissent en toute impunité, en particulier dans la capitale Port-au-Prince, créant un climat de violence et de terreur», observe François Audet. Ces bandes contrôlent certains services vitaux, en limitant, par exemple, l’accès aux points d’eau et aux réserves de carburant, ou exigeant des redevances exorbitantes. L’environnement sécuritaire s’étant détérioré, le renforcement de la police nationale haïtienne semble pour l’instant la solution privilégiée par plusieurs pays, dont le Canada. Celui-ci a d’ailleurs versé près de 200 millions de dollars pour soutenir les forces policières. «Il sera difficile de progresser tant et aussi longtemps que les gangs armés contrôleront la capitale», estime le professeur.

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