« Ce n’est pas un accord, c’est un viol »

16 juillet 2015, James K. Galbraith

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Professeur à l’université d’Austin (Texas), James Galbraith, le fils de John Kenneth Galbraith, a des mots très durs pour commenter l’accord intervenu lundi entre la Grèce et les autres membres de l’Union européenne. Ce proche de l’ancien ministre des Finances grec Yanis Varoufakis condamne à la fois le FMI, la BCE et l’Union européenne.

Quelle est votre regard sur – l’accord – entre guillemets-de lundi ?

Vous mettez vous-même ce terme entre guillemets : ce n’est en effet pas un accord. C’est un viol, le consentement grec fut obtenu de la manière habituelle dans ces circonstances : comme l’a dit justement le premier ministre grec Alexis Tsipras, il a donné son accord avec un couteau sur la gorge. En l’espèce, le couteau était la menace brutale exprimée par la banque centrale européenne de faire s’écrouler le système bancaire du pays (en refusant de prolonger ses lignes de crédit d’urgence, NDLA).

Vous pensez que ces décisions ont une petite chance de résoudre quand même le problème ?

Etant donné l’échec cuisant auquel ont abouti les politiques similaires qui ont été conduites ces cinq dernières années, il est difficile pour toute personne raisonnable de croire que la poursuite des mêmes politiques aboutirait maintenant à relancer l’économie grecque.

Certains observateurs disent que finalement, il aurait mieux valu décider d’un Grexit, d’une sortie de la Grèce de la zone euro, plutôt que d’arriver à ce texte…

Tout cela dépend de la manière dont l’exit aurait été conduit et de l’importance de l’aide que les amis de la Grèce auraient apportée au pays.

Pourquoi, à votre avis, l’Allemagne a adopté un ton si dur?

Pour des raisons de politiques intérieures. Parce que la chancelière Angela Merkel semble avoir été prisonnière de sa propre administration et parce qu’elle ne veut pas être déforcée au profit de Wolfgang Schäuble au sein de la CDU.

Pensez-vous, comme certains économistes anglo-saxons, que tout ce qui se passe aujourd’hui est la conséquence d’une mauvaise structure originelle, d’un « bad design » de la zone euro ?

Oui, en partie…

… ils disent que dans cette zone imparfaite, il est impossible désormais de s’ajuster via les taux de change. Et que la seule manière de résoudre les déséquilibres entre les pays qui dégagent des surplus commerciaux et ceux qui sont en déficit, est que ces derniers s’ajustent via les prix et les salaires. Ce qui revient à prendre des mesures déflatoires….

Oui, c’est exactement cela !

Comment expliquez-vous la position du Fonds monétaire international : après avoir imposé de dures mesures d’austérité à la Grèce ces dernières années, il dit aujourd’hui que la solution ne viendra pas sans une restructuration profonde de la dette grecque par les Européens?

Le FMI continue de supporter ces mesures d’austérité, qui ne fonctionnent pas. Mais il lui est interdit de participer à un programme d’aide d’un pays dont la dette n’est pas soutenable. La publication ces dernières heures d’analyses montrant que la dette grecque n’est pas soutenable est donc le moyen pour le fonds de refuser de participer à un nouveau plan de sauvetage. Cela pose d’ailleurs un problème majeur pour le financement de l’accord de lundi, car le prêt que donnerait le MES à la Grèce requiert (ce sont les statuts du MES, NDLA) la participation du FMI. Si ces conditions ne sont pas remplies, le fonds peut se retirer et dire comme Ponce Pilate : je m’en lave les mains.

Et vous, quelles solutions proposez-vous pour régler le problème grec?

Je continue de supporter les efforts de personnes courageuses en Grèce, et notamment ceux de mon ami Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des Finances, pour trouver une manière tolérable d’avancer…

Propos recueillis par Pierre-Henri Thomas

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